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Article tiré d'un site Internet consacré au terrorisme (qui n'évoque pas le terrorisme principal, celui des Etats), et donc, dont on peut penser qu'il est concocté par l'appareil de propagande d'Etat, qui cherche ainsi à s'exonérer l'apareil d'Etat de son activité de terroriste, qui est le mode d'action fondamental sur lequel repose tout pouvoir, et spécialement tout pouvoir institué, soit l'Etat :

http://www.erta-tcrg.org/index.htm

 

 

Theodore Kaczynski a été arrêté le 3 avril 1996, dans sa cabane au fond des bois, près de la ville de Lincoln, dans le Montana. Son frère, David Kaczynski a reconnu le style d’écriture de Kaczynski et a ensuite avisé le FBI de ses doutes (Wikipedia; Apostolidès, 1996). La cabane de l’Unabomber a par la suite été passée au peigne fin, ses correspondances ainsi que ses journaux intimes ont été étudiés pour trouver des preuves. Son journal était écrit en codes, mais les agents du FBI ont réussi à le déchiffrer. Plusieurs parties de ce journal ainsi que des copies de lettres écrites aux journaux pour se réclamer d’attentats ont été retenues comme éléments de preuve lors du procès. Nous allons donc nous attarder au déroulement du procès ainsi qu’aux éléments de preuve présentés pour dresser un portrait d’une part du processus pénal en cours lors de cette affaire et d’autre part, pour donner des pistes de réflexion sur l’état mental et la nature terroriste des actes de l’accusé. Les informations, sauf avis contraire, proviennent des transcriptions du procès de Ted Kaczynski qu’on peut retrouver en ligne.

 

 

 

Pour commencer, notons qu’avant le début officiel du procès, les différentes parties se sont rencontrées à plusieurs reprises en 1997 pour discuter de plusieurs points en litige. Le 23 décembre 1997, les avocats de la défense veulent faire évaluer Kaczynski dans le but de faire témoigner le psychiatre lors de la sentence, pour éviter qu’il soit condamné à la peine de mort. De son côté, la Couronne veut faire évaluer Kaczynski par ses propres psychiatres, avec des tests différents de ceux utilisés par la défense. La défense aurait fait passer des tests neurologiques à Kaczynski et leur expert aurait trouvé un désordre organique du cerveau, dans le lobe temporal droit, ce qui serait caractéristique des gens atteints de schizophrénie, mais la Couronne préfèrerait des tests de personnalité, par exemple le MMPI. Il y est aussi discuté de l’intention de commettre les crimes, car si le trouble mental n’interfère pas avec l’intention, ce n’est pas une défense valide, affirme la Couronne. Le procès en tant que tel, devant jury, était supposé commencer le 5 janvier 1998.

 

 

 

Le 5 janvier 1998, Kaczynski dit vouloir changer d’avocats. Il se plaint de problèmes de communication avec ses avocats actuels. Il ne veut pas qu’ils le présentent comme une personne ayant des troubles mentaux, bien qu’ils veuillent tenter de le faire afin de lui éviter la peine capitale. Ils voyaient dans cette défense de trouble mental un bon moyen de l’éviter. Kaczynski voudrait que Me Serra le représente et remplace ses avocats actuels. Le juge essaie de joindre cet avocat, mais il est indisponible et semble être en vacances. Kaczynski demande donc au juge de lui indiquer les options qui s’offrent à lui. Le 7 janvier 1998, le juge décide qu’il est trop tard pour changer les avocats de la défense. Il dit à Kaczynski que deux choix s’offrent à lui : il peut, s’il le désire, se représenter lui-même ou garder ses avocats actuels. Le juge précise bien qu’il trouve qu’il s’agit de très bons avocats, compétents et qu’il ne recommande pas du tout qu’il se représente lui-même. Il serait plus avantageux de confier sa défense à ses avocats actuels. Kaczynski répond qu’il n’est pas satisfait de ses avocats actuels, mais qu’il va les garder car il n’a pas d’autres options. Il se dit trop fatigué pour se représenter lui-même. Le 8 janvier par contre, Kaczynski réaffirme son désir de ne pas être présenté comme malade mental. La Cour se demande alors s’il n’agit pas ainsi parce qu’il veut être condamné à mort. Elle veut donc savoir s’il est compétent d’une part pour suivre son procès et d’autre part, s’il est apte à se représenter lui-même. Le juge définit la compétence comme étant la capacité de comprendre la nature et l’objet des procédures contre l’accusé. Le 9 janvier, le juge ordonne qu’une évaluation psychiatrique soit conduite sur l’accusé. Étant donné sa peur des psychiatres et les nombreux refus de collaborer de la part de Kaczynski, le juge dit que l’évaluation se fera en prison si l’accusé coopère, mais que le cas échéant, l’évaluation se fera en institut psychiatrique, de force. Il est à noter que durant cette audience, on a appris que Kaczynski avait tenté de se pendre avec ses sous-vêtements avant l’audience du 8 janvier. Le début du procès est encore une fois reporté. Il débutera, si tout va bien, le 22 janvier 1998. Le 20 janvier, les parties se rencontrent de nouveau et Ted Kaczinski est trouvé compétent à subir son procès, ainsi qu’à se représenter lui-même.

 

 

 

Le frère David Kaczynski.

 

Le 22 janvier 1998, le juge décide que malgré la compétence que l’accusé aurait pour se représenter lui-même, il est trop tard pour qu’il le fasse. Il affirme que Kaczynski savait depuis le début que ses avocats allaient plaider la présence de troubles mentaux, notamment car ils ont choisi des jurés réceptifs à cette cause au début de procédures. Il aurait alors eu amplement le temps de faire savoir qu’il ne voulait pas de cette défense et qu’il voulait se représenter lui-même. Au lieu de quoi, il a fait savoir à la Cour qu’il n’était pas satisfait de ses avocats le 5 janvier, jour où le procès aurait dû commencer. Cela a eu comme effet de retarder de plus de deux semaines les procédures. Le juge va même jusqu’à dire que le fait d’interrompre le procès représentait de petites victoires pour Kaczynski. La défense fait alors savoir que leur client est ouvert à la possibilité d’un plea bargaining, qui consiste à faire un plaidoyer de culpabilité en échange de l’abandon de certaines charges. Ici l’entente consistait à abandonner l’obtention d’une sentence de peine de mort en échange d’un plaidoyer de culpabilité. Les deux parties vont donc négocier et signer l’entente.

De retour devant le juge, celui-ci demande à Kaczynski s’il comprend bien la portée de ce qu’il va faire, que son plaidoyer de culpabilité est « final » et qu’il renonce à tout appel par la suite. Il s’assure aussi qu’il a fait le plea bargaining sans en être forcé. La Couronne énonce ensuite les différentes charges contre Kaczynski. Celles-ci sont au nombre de 13, mais de trois ordres : transport de dispositif d’explosifs avec intention de tuer ou de blesser, envoi de dispositif d’explosifs avec intention de tuer ou de blesser et utilisation de dispositif destructeur en relation à un crime de violence. Un avocat de la Couronne se charge ensuite de décrire les différents incidents et les preuves qui y sont rattachés.

Premièrement, il y a les preuves reliées au journal intime de Ted Kaczynski. Ce journal était en partie écrit en code secret et a été décodé. Kaczynski y racontait ce qu’il faisait par rapport aux bombes. Il y indiquait comment il les fabriquait, comment il s’y prenait pour les envoyer ou les placer et écrivait des commentaires sur la façon dont elles avaient explosé. Il considérait chacune de ses bombes comme des expériences. Il devait donc rapporter les résultats et numéroter chacune d’entre elles. Par exemple, après que deux de ses bombes aient blessé sévèrement deux ingénieurs en juin 1993, il écrit : « The effect of both of them was adequate, but no more than adequate » (22 avril 1998, p. 3818). De plus, après la mort de Thomas Mosser en décembre 1994, il écrit : « The device in Experiment 244 was used in December 1994, and it gave a totally satisfactory result » (p.3822). Chacune de ses bombes faisait l’objet de notes dans son journal et il n’a été « satisfait » que lorsqu’il y avait des morts. L’objectif de ses expériences semblait donc être de tuer des gens. Il était déçu lorsque ses bombes ne faisaient que blesser et même fâché lorsqu’il n’y avait aucun dommage. Par exemple, après sa tentative de faire sauter un avion, il écrit : « Unfortunately plane not destroyed.  Bomb too weak… Bomb did not accomplish much.  Probably destroyed some mail. […] No damage to plane.  At least it gave them a good scare. » (p. 3830). Ou après qu’une bombe ait été désamorcée le 8 octobre 1981, il écrit : « Last fall I attempted a bombing and spent nearly three hundred bucks just for travel expenses, motel, clothing for disguise, etc.  Aside from cost of materials for bomb.  And then the thing failed to explode.  Damn. » (p. 3834). Avec ces extraits de journal et bien d’autres, les liens entre les crimes commis et les crimes décrits dans le journal intime de Kaczynski ont pu être formellement établis et la Couronne allait s’en servir pour prouver sa culpabilité s’il plaidait non-coupable.

 

 

 

D’autres preuves ont été trouvées dans la cabane de Kaczynski, par exemple des copies carbones qu’il gardait des lettres envoyées aux journaux pour se réclamer des incidents. Par exemple, dans une lettre envoyée au New York Times, il dit : « We have no regret about the fact that our bomb blew up the wrong man, Gilbert Murray, instead of William Dennison, to whom it was addressed. […] he was pursuing the same goals … » (p. 3820). Une autre preuve trouvée dans sa cabane est sa machine à écrire. Il a été établi qu’elle avait notamment servi à écrire le petit mot dans une des bombes, disant « Wu it works! I told you it would » et d’autres lettres accompagnant ou précédant les bombes. Il est à noter que Mello et Perkins (1997) mentionnent que les preuves de la Couronne incluaient également des éléments trouvés sur les lieux des crimes ainsi que des preuves concernant les trajets qu’a fait l’Unabomber pour se rendre sur les lieux des crimes ou pour envoyer ses bombes. Même si la Couronne n’a pas eu à présenter formellement ses preuves car Kaczynski a plaidé coupable, elle a présenté chacun des faits au juge, qui à son tour demandait à l’accusé après chaque fait s’il était d’accord avec les énoncés du procureur. À la fin de cette audience du 22 janvier 1998, le juge a accepté le plaidoyer de culpabilité et a jugé l’accusé coupable des crimes qui lui étaient reprochés. Le prononcé de la sentence a été fixé au 4 mai 1998.

Entre temps, un rapport présentenciel a été présenté au juge (sentencing memoramdum). Dans ce document, la Couronne s’attarde à démontrer comment les actes de Kaczynski étaient prémédités et comment il a agit en sachant très bien que ce qu’il faisait constituait des crimes. Ils se servent surtout des écrits de l’accusé pour démontrer leur position. Ils avancent d’une part que l’accusé n’a à aucun moment semblé éprouver des remords. Ils disent aussi que chacun des crimes a demandé de la préparation et une planification minutieuse qui laissait beaucoup de temps à la réflexion sur les conséquences possibles de ses gestes. Ce n’était pas de la rage momentanée, mais bien des crimes réfléchis. Le rapport précise également que son désir de tuer est apparu dans ses écrits avant sa haine de la technologie, ce qui signifie que son désir de tuer n’était pas nécessairement en lien avec son « délire » sur la société technologique. De plus, sa haine devient de plus en plus pointue ou ciblée, envers des personnes qui ne font que l’irriter par de petits gestes. Par exemple, les gens qui campent près de sa cabane l’irritent, les avions qui passent dans le ciel aussi, de même que les étudiants qui laissent traîner des canettes sur son terrain après les fêtes (Exhibit 5). Cependant, il admet par la suite qu’il n’est pas vraiment écolo lui-même et qu’il lui arrive de jeter des déchets sur d’autres terrains que le sien (Ex. 8). Il affirme à un moment, concernant ses motivations : « I certainly don’t claim to be an altruist or to be acting for the “good” of the human race. I act merely from a desire of revenge » (Ex. 7). Il exprime aussi dans ses écrits qu’il veut tuer certains types de gens en particulier : « My ambition is to kill a scientist, a big businessman, goverment official or the like. I would also like to kill a communist » (Ex. 16). Cette dernière affirmation correspond aux idées véhiculées par son manifeste publié en 1995.

Pour démontrer que l’accusé savait que ce qu’il faisait était « mal », la Couronne avance que certains bouts précis de son journal intime étaient écrits en codes ou en espagnol. Ce sont les passages où il parle de ses crimes. De plus, il se dit fier de ce qu’il a fait. Il préparait méticuleusement chacun de ses crimes, de la fabrication des bombes sur lesquelles il passait des mois jusqu’à la livraison, où il utilisait des déguisements. Il est même allé jusqu’à mettre des cheveux d’une personne inconnue, pris à un arrêt d’autobus, dans l’une de ses bombes pour brouiller les pistes de la police. Du matériel pour fabriquer des bombes a été trouvé dans sa cabane. Il aurait pu en fabriquer 23 autres avec le matériel qu’il avait à sa disposition. Un dispositif explosif était même prêt à être envoyé. En conclusion de son rapport, la Couronne dit : « The history of Kaczynski's conduct demonstrates that he has both the capacity and willingness to dedicate years of his life to plan murders and elude detection. If released back into society, he would kill again » (nous soulignons). Elle dit aussi : « Kaczynski's repeated crimes were the considered acts of a man who chose to repeatedly inflict violence and kill to gratify his own hatred. » Selon cette perspective, Kaczynski est totalement responsable de ses actes et doit purger une sentence à vie.

 

 

À propos de la sentence, qui a été prononcée le 4 mai 1998, Theodore Kaczynski a été condamné à l’équivalent de 4 sentences à vie. De plus, tous les profits faits avec l’image de l’Unabomber, tels que les entrevues données, ainsi que les recettes de la vente de tous ses écrits devront être versés à un fonds d’indemnisation pour ses victimes. Le juge a justifié les sentences en disant : « His crimes were vicious acts of terrorism that wreaked havoc and brought grief into the lives of many innocent people […] the defendant presents a grave danger to society and should be incarcerated … » (May 4 1998, p.49). Kaczynski aurait tenté de faire appel suite à ces sentences, en disant que son plaidoyer de culpabilité a été fait involontairement, mais cet appel a été rejeté (Wikipédia).

Pour conclure cette section, mentionnons que le procès de Ted Kaczynski a été assez chaotique en raison des nombreux changements qu’a voulu effectuer l’accusé. De plus, les preuves provenant du journal de Kaczynski sont assez concluantes et tendent à démontrer clairement qu’il a commis les crimes qu’on lui reprochait. Également, le journal intime nous montre un tueur méticuleux, sans remord, qui voulait tuer des gens depuis de nombreuses années. Il sera maintenant intéressant de se pencher sur l’évaluation psychiatrique de Theodore Kaczynski.