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Définition du docteur psychiatre Marie-France HIRIGOYEN, du "pervers narcissique", suivie de son interview relatif à la violence perverse.

Résumé :

Le type psychologique du "pervers narcissique", pourrait être celui de tout homme à la recherche du pouvoir sur autrui, comme de l'homme religieux, et de tout policier, et agent du pouvoir, particulièrement de ceux qui sont employés dans les services spéciaux, dont de la police politique.

L'article qui suit, de Marie-France HIRIGOYEN, est éloquent et se suffit à lui-même.

Pour résumer, le "pervers narcissique" est un humain totalement inabouti, dont la personnalité profonde, la partie centrale, est un vide, un lieu vacant, et qui doit, pour au moins simuler l'existence, s'approprier l'existence d'autrui.

Cela fait immanquablement penser à ces employés des services spéciaux dont l'activité consiste à noyauter les groupes de dissidents, et à s'introduire dans les demeures de ces dissidents, en leurs absences, comme des fantomes, qui vampyriseraient les vies, vie dont ils sont eux-mêmes, en réalité totalement dépourvus.

On assiste là, à l'emploi par le système d'oppression, d'humains, dont l'enfance malheureuse a fait qu'ils sont définitivement privés de vie personnelle. Marie-France HIRIGOYEN estime qu'une famille produit des "pervers narcissiques", quand l'enfant est considéré comme un "mauvais objet", ou qu'il est utilisé comme objet sexuel, ou qu'il est idolâtré, ce qui revient aussi à le nier, à nier son originalité en temps qu'être, à nier son être.

 

1 - Article de Marie-France HIRIGOYEN définissant le "pervers narcissique".

"Le bourreau ou "pervers narcissique" suivant la pathologie dressée par Mme Hirigoyen, peut être un homme ou une femme ; la violence morale n'est pas l'apanage des seuls hommes, bon nombre de femmes sont des tyrans domestiques ; les médias donnent trop souvent l'impression que les harceleurs sont tous des hommes et nous devons bannir ce jugement erroné, les hommes victimes ont tout simplement plus de mal à parler de leurs souffrances.

Quel que soit son sexe, son âge, sa nationalité, le bourreau a toujours le même comportement, il vampirise sa victime, buvant son énergie vitale. On peut mettre des années avant de se rendre compte du processus de destruction mis en place. Au commencement il peut n'y avoir que des petites brimades, des phrases anodines mais méprisantes, pleines de sous entendus blessants, avilissants, voir violents, c'est la répétition constante de ces actes qui rend l'agression évidente. Souvent un incident vient déclencher la crise qui amène l'agresseur à dévoiler son piège ; en règle générale, c'est la prise de conscience de la victime, et ses sursauts de révolte, qui vont déclencher le processus de mise à mort : car il peut y avoir véritable mise à mort psychique, où l'agresseur n'hésitera pas à employer tous les moyens pour parvenir à ces fins: anéantir sa proie.

Le "pervers narcissique" est une personne totalement dépourvue d'empathie, qui n'éprouve aucun respect pour les autres, qu'il considère comme des objets utiles à ses besoins de pouvoir, d'autorité. Il a besoin d'écraser pour exister : et la proie rêvée reste l'enfant fragile et malléable, avec sa confiance illimitée et sa soif d'amour et de reconnaissance.
Le bourreau ne possède pas de personnalité propre, elle est forgée sur des masques dont il change suivant les besoins, passant de séducteur paré de toutes les qualités, à celui de victime faible et innocente, ne gardant son véritable visage de démon que pour sa victime. Et encore peut il jouer avec elle au chat et à la souris, faisant patte de velours pour mieux la tenir, puis sortant ses griffes lorsqu'elle cherche à s'évader.

Ce sont souvent des êtres doués d'une intelligence machiavélique, leur permettant d'élaborer des pièges très subtils.

Ils culpabilisent à outrance leur proie, ne supportent pas d'avoir tort, sont incapables de discussions ouvertes et constructives ; ils bafouent ouvertement leur victime, n'hésitant pas à la dénigrer, à l'insulter autant que possible sans témoins, sinon ils s'y prennent avec subtilité, par allusions, tout aussi destructrices, mais invisibles aux regards non avertis.

Méfions-nous de son apparence séduisante. Le pervers narcissique est un vampire, sans affect, qui aspire la substance vitale de sa victime jusqu'à l'anéantir.

Un Narcisse, au sens du Narcisse d'Ovide, est quelqu'un qui croit se trouver en se regardant dans le miroir. Sa vie consiste à chercher son reflet dans le regard des autres. L'autre n'existe pas en tant qu'individu mais en tant que miroir. Un Narcisse est une coque vide qui n'a pas d'existence propre ; c'est un pseudo, qui cherche à faire illusion pour masquer son vide. Son destin est une tentative pour éviter la mort. C'est quelqu'un qui n'a jamais été reconnu comme un être humain et qui a été obligé de se construire un jeu de miroirs pour se donner l'illusion d'exister. Comme un kaléidoscope, ce jeu de miroirs a beau se répéter et se multiplier, cet individu reste construit sur du vide.

Le Narcisse, n'ayant pas de substance, va se brancher sur l'autre et, comme une sangsue, essayer d'aspirer sa vie. Etant incapable de relation véritable, il ne peut le faire que dans un registre pervers, de malignité destructrice. Incontestablement, les pervers ressentent une jouissance extrême, vitale, à la souffrance de l'autre et à ses doutes, comme ils prennent plaisir à asservir l'autre et à l'humilier. Tout commence et s'explique par le Narcisse vide, construction en reflet, à la place de lui-même et rien à l'intérieur, de la même manière qu'un robot est construit pour imiter la vie, avoir toutes les apparences ou toutes les performances de la vie, sans la vie. Le dérèglement sexuel ou la méchanceté ne sont que les conséquences inéluctables de cette structure vide. Comme les vampires, le Narcisse vide a besoin de se nourrir de la substance de l'autre. Quand il n'y a pas la vie, il faut tenter de se l'approprier ou, si c'est impossible, la détruire pour qu'il n'y ait de vie nulle part.

Les pervers narcissiques sont envahis par un autre dont ils ne peuvent se passer. Cet autre n'est même pas un double, qui aurait une existence, seulement un reflet d'eux-mêmes. D'où la sensation qu'ont les victimes d'être niées dans leur individualité. La victime n'est pas un individu autre, mais seulement un reflet. Toute situation qui remettrait en question ce système de miroirs, masquant le vide, ne peut qu'entraîner une réaction en chaîne de fureur destructrice. Les pervers narcissiques ne sont que des machines à reflets qui cherchent en vain leur image dans le miroir des autres.

Ils sont insensibles, sans affect. Comment une machine à reflets pourrait-elle être sensible? De cette façon, ils ne souffrent pas. Souffrir suppose une chair, une existence. Ils n'ont pas d'histoire puisqu'ils sont absents. Seuls des êtres présents au monde peuvent avoir une histoire. Si les pervers narcissiques se rendaient compte de leur souffrance, quelque chose commencerait pour eux. Mais ce serait quelque chose d'autre, la fin de leur précédent fonctionnement. Les pervers narcissiques sont des individus mégalomanes qui se posent comme référents, comme étalon du bien et du mal, de la vérité. On leur attribue souvent un air moralisateur, supérieur, distant. Même s'ils ne disent rien, l'autre se sent pris en faute. Ils mettent en avant leurs valeurs morales irréprochables qui donnent le change et une bonne image d'eux-mêmes. Ils dénoncent la malveillance humaine. Ils présentent une absence totale d'intérêt et d'empathie pour les autres, mais ils souhaitent que les autres s'intéressent à eux. Tout leur est dû. Ils critiquent tout le monde, n'admettent aucune mise en cause et aucun reproche. Face à ce monde de pouvoir, la victime est forcément dans un monde de failles. Montrer celles des autres est une façon de ne pas voir ses propres failles, de se défendre contre une angoisse d'ordre psychotique. Les pervers entrent en relation avec les autres pour les séduire. On les décrit souvent comme des personnes séduisantes et brillantes. Une fois le poisson attrapé, il faut seulement le maintenir accroché tant qu'on en a besoin. Autrui n'existe pas, il n'est pas vu, pas entendu, il est seulement utile. Dans la logique perverse, il n'existe pas de notion de respect de l'autre.

La séduction perverse ne comporte aucune affectivité, car le principe même du fonctionnement pervers est d'éviter tout affect. Le but est de ne pas avoir de surprise. Les pervers ne s'intéressent pas aux émotions complexes des autres. Ils sont imperméables à l'autre et à sa différence, sauf s'ils ont le sentiment que cette différence peut les déranger. C'est le déni total de l'identité de l'autre, dont l'attitude et les pensées doivent être conformes à l'image qu'ils se font du monde.

La force des pervers est leur insensibilité. Ils ne connaissent aucun scrupule d'ordre moral. Ils ne souffrent pas. Ils attaquent en toute impunité car même si, en retour, les partenaires utilisent des défenses perverses, ils ont été choisis pour n'atteindre jamais à la virtuosité qui les protégerait.

Les pervers peuvent se passionner pour une personne, une activité ou une idée, mais ces flambées restent très superficielles. Ils ignorent les véritables sentiments, en particulier les sentiments de tristesse ou de deuil. Les déceptions entraînent chez eux de la colère ou du ressentiment avec un désir de revanche. Cela explique la rage destructrice qui s'empare d'eux lors des séparations. Quand un pervers perçoit une blessure narcissique (défaite, rejet), il ressent un désir illimité d'obtenir une revanche. Ce n'est pas, comme chez un individu coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c'est une rancune inflexible à laquelle le pervers applique toutes ses capacités de raisonnement.

Les pervers, tout comme les paranoïaques, maintiennent une distance affective suffisante pour ne pas s'engager vraiment. L'efficacité de leurs attaques tient au fait que la victime ou l'observateur extérieur n'imaginent pas qu'on puisse être à ce point dépourvu de sollicitude ou de compassion devant la souffrance de l'autre.

Le partenaire n'existe pas en tant que personne mais en tant que support d'une qualité que les pervers essaient de s'approprier. Les pervers se nourrissent de l'énergie de ceux qui subissent leur charme. Ils tentent de s'approprier le narcissisme gratifiant de l'autre en envahissant son territoire psychique. Le problème du pervers narcissique est de remédier à son vide. Pour ne pas avoir à affronter ce vide (ce qui serait sa guérison), le Narcisse se projette dans son contraire. Il devient pervers au sens premier du terme: il se détourne de son vide (alors que le non pervers affronte ce vide). D'où son amour et sa haine pour une personnalité maternelle, la figure la plus explicite de la vie interne. Le Narcisse a besoin de la chair et de la substance de l'autre pour se remplir. Mais il est incapable de se nourrir de cette substance charnelle, car il ne dispose même pas d'un début de substance qui lui permettrait d'accueillir, d'accrocher et de faire sienne la substance de l'autre. Cette substance devient son dangereux ennemi, parce qu'elle le révèle vide à lui-même.

Les pervers narcissiques ressentent une envie très intense à l'égard de ceux qui semblent posséder les choses qu'ils n'ont pas ou qui simplement tirent plaisir de leur vie. L'appropriation peut être sociale, par exemple séduire un partenaire qui vous introduit dans un milieu social que l'on envie: haute bourgeoisie, milieu intellectuel ou artistique... Le bénéfice de cette opération est de posséder un partenaire qui permet d'accéder au pouvoir. Ils s'attaquent ensuite à l'estime de soi, à la confiance en soi chez l'autre, pour augmenter leur propre valeur. Ils s'approprient le narcissisme de l'autre.

Pour des raisons qui tiennent à leur histoire dans les premiers stades de la vie, les pervers n'ont pas pu se réaliser. Ils observent avec envie que d'autres individus ont ce qu'il faut pour se réaliser. Passant à côté d'eux-mêmes, ils essaient de détruire le bonheur qui passe près d'eux. Prisonniers de la rigidité de leurs défenses, ils tentent de détruire la liberté. Ne pouvant jouir pleinement de leur corps, ils essaient d'empêcher la jouissance du corps des autres, même chez leurs propres enfants. Etant incapables d'aimer, ils essaient de détruire par cynisme la simplicité d'une relation naturelle.

Pour s'accepter, les pervers narcissiques doivent triompher et détruire quelqu'un d'autre en se sentant supérieurs. Ils jouissent de la souffrance des autres. Pour s'affirmer, ils doivent détruire.
Il y a chez eux une exacerbation de la fonction critique qui fait qu'ils passent leur temps à critiquer tout et tout le monde. De cette façon, ils se maintiennent dans la toute-puissance :
Si les autres sont nuls, je suis forcément meilleur qu'eux.

Le moteur du noyau pervers, c'est l'envie, le but de l'appropriation. L'envie est un sentiment de convoitise, d'irritation haineuse à la vue du bonheur, des avantages d'autrui. Il s'agit d'une mentalité d'emblée agressive qui se fonde sur la perception de ce que l'autre possède et dont on est dépourvu. Cette perception est subjective, elle peut même être délirante. L'envie comporte deux pôles : l'égocentrisme d'une part et la malveillance, avec l'envie de nuire à la personne enviée, d'autre part. Cela présuppose un sentiment d'infériorité vis-à-vis de cette personne, qui possède ce qui est convoité. L'envieux regrette de voir l'autre posséder des biens matériels ou moraux, mais il est plus désireux de les détruire que de les acquérir. S'il les détenait, il ne saurait pas quoi en faire. Il ne dispose pas de ressources pour cela. Pour combler l'écart qui sépare l'envieux de l'objet de sa convoitise, il suffit d'humilier l'autre, de l'avilir.

Ce que les pervers envient, avant tout, c'est la vie chez l'autre. Ils envient la réussite des autres, qui les met face à leur propre sentiment d'échec, car ils ne sont pas plus contents des autres qu'ils ne le sont d'eux-mêmes; rien ne va jamais, tout est compliqué, tout est une épreuve. Ils imposent aux autres leur vision péjorative du monde et leur insatisfaction chronique concernant la vie. Ils cassent tout enthousiasme autour d'eux, cherchent avant tout à démontrer que le monde est mauvais, que les autres sont mauvais, que le partenaire est mauvais. Par leur pessimisme, ils entraînent l'autre dans un registre dépressif pour, ensuite, le lui reprocher.
Le désir de l'autre, sa vitalité, leur montre leurs propres manques. On retrouve là l'envie, commune à bien des êtres humains, du lien privilégié que la mère entretient avec son enfant. C'est pour cela qu'ils choisissent le plus souvent leurs victimes parmi des personnes pleines d'énergie et ayant goût à la vie, comme s'ils cherchaient à s'accaparer un peu de leur force. L'état d'asservissement, d'assujettissement de leur victime à l'exigence de leur désir, la dépendance qu'ils créent leur fournit des témoignages incontestables de la réalité de leur appropriation.


L'appropriation est la suite logique de l'envie.

Les biens dont il s'agit ici sont rarement des biens matériels. Ce sont des qualités morales, difficiles à voler : joie de vivre, sensibilité, qualités de communication, créativité, dons musicaux ou littéraires... Lorsque le partenaire émet une idée, les choses se passent de telle façon que l'idée émise ne reste plus la sienne mais devient celle du pervers. Si l'envieux n'était pas aveuglé par la haine, il pourrait, dans une relation d'échange, apprendre comment acquérir un peu de ces dons. Cela suppose une modestie que les pervers n'ont pas.

Les pervers narcissiques s'approprient les passions de l'autre dans la mesure où ils se passionnent pour cet autre ou, plus exactement, ils s'intéressent à cet autre dans la mesure où il est détenteur de quelque chose qui pourrait les passionner. On les voit ainsi avoir des coups de coeur puis des rejets brutaux et irrémédiables. L'entourage comprend mal comment une personne peut être portée aux nues un jour puis démolie le lendemain. Les pervers absorbent l'énergie positive de ceux qui les entourent, s'en nourrissent et s'en régénèrent, puis ils se débarrassent sur eux de toute leur énergie négative.

La victime apporte énormément, mais ce n'est jamais assez. N'étant jamais contents, les pervers narcissiques sont toujours en position de victime, et la mère (ou bien l'objet sur lequel ils ont projeté leur mère) est toujours tenue pour responsable. Les pervers agressent l'autre pour sortir de la condition de victime qu'ils ont connue dans leur enfance. Dans une relation, cette attitude de victime séduit un partenaire qui veut consoler, réparer, avant de le mettre dans une position de coupable. Lors des séparations, les pervers se posent en victimes abandonnées, ce qui leur donne le beau rôle et leur permet de séduire un autre partenaire, consolateur.

Les pervers se considèrent comme irresponsables parce qu'ils n'ont pas de subjectivité véritable. Absents à eux-mêmes, ils le sont tout autant aux autres. S'ils ne sont jamais là où on les attend, s'ils ne sont jamais pris, c'est tout simplement qu'ils ne sont pas là. Au fond, quand ils accusent les autres d'être responsables de ce qui leur arrive, ils n'accusent pas, ils constatent : puisque eux-mêmes ne peuvent être responsables, il faut bien que ce soit l'autre. Rejeter la faute sur l'autre, médire de lui en le faisant passer pour mauvais permet non seulement de se défouler, mais aussi de se blanchir. Jamais responsables, jamais coupables : tout ce qui va mal est toujours de la faute des autres.

Ils se défendent par des mécanismes de projection : porter au crédit d'autrui toutes leurs difficultés et tous leurs échecs et ne pas se mettre en cause. Ils se défendent aussi par le déni de la réalité. Ils escamotent la douleur psychique qu'ils transforment en négativité. Ce déni est constant, même dans les petites choses de la vie quotidienne, même si la réalité prouve le contraire. La souffrance est exclue, le doute également. Ils doivent donc être portés par les autres. Agresser les autres est le moyen d'éviter la douleur, la peine, la dépression.

Les pervers narcissiques ont du mal à prendre des décisions dans la vie courante et ont besoin que d'autres assument les responsabilités à leur place. Ils ne sont pas autonomes, ne peuvent se passer d'autrui, ce qui les conduit à un comportement collant et à une peur de la séparation ; pourtant, ils pensent que c'est l'autre qui sollicite la sujétion. Ils refusent de voir le caractère dévorant de leur accrochage à l'autre, qui pourrait entraîner une perception négative de leur propre image. Cela explique leur violence face à un partenaire trop bienveillant ou réparateur. Si au contraire celui-ci est indépendant, il est perçu comme hostile et rejetant. "

Absence d'empathie

Les pervers narcissiques sont incapables d'aimer les autres. Dans leur immense majorité, ils n'ont aucune humanité, aucun sentiment humain, aucun état d'âme, aucun affect. Ils sont froids et calculateurs, totalement indifférents à la souffrance d'autrui.

Mais tout en étant, le plus souvent, incapables d'avoir des sentiments humains, ils simuleront le fait d'être totalement remplis, en apparence, de bons sentiments humains et dune sincère empathie pour autrui.

Les pervers peuvent se passionner pour une personne, une activité ou une idée, mais ces flambées restent très superficielles. Ils sont en fait souvent vides d'intérêts, sauf pour leur intérêt immédiat. Ils ignorent les véritables sentiments, en particulier les sentiments de tristesse ou de deuil (pour les autres). Les déceptions entraînent chez eux de la colère ou du ressentiment avec un désir de revanche. Cela explique la rage destructrice qui s'empare d'eux lors des séparations. Quand un pervers perçoit une blessure narcissique (défaite, rejet), il ressent un désir illimité d'obtenir une revanche. Ce n'est pas, comme chez un individu coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c'est une rancune inflexible, implacable à laquelle le pervers applique toutes ses forces et ses capacités de raisonnement. Et alors, il n'aura que cesse d'assouvir son dessein de vengeance.

La séduction perverse ne comporte aucune affectivité, car le principe même du fonctionnement pervers est d'éviter tout affect. Les pervers, tout comme les paranoïaques, maintiennent une distance affective suffisante pour ne jamais s'engager vraiment. L'efficacité de leurs attaques tient au fait que la victime ou l'observateur extérieur n'imaginent pas qu'on puisse être à ce point dépourvu de sollicitude ou de compassion devant la souffrance de l'autre.

Les éventuels dérèglements sexuels ou la méchanceté foncière pourraient être les conséquences de cette absence de sentiments et d'empathie pour les autres. Il est possible que le manque d'affect empêche de ressentir l'intégralité des limites morales entre ce qui est permis ou interdit dans la société. Mais ce n'est qu'une hypothèse.

 

Partie n° 2

Interview de Marie-France HIRIGOYEN, auteur de "Femmes sous emprise".


Parent-Solo : Vous êtes psychiatre, psychanalyste et victimologue, spécialisée dans l'étude de toutes les formes de violences : familiales, perverses et sexuelles. Dans votre livre, " Femmes sous emprise, les ressorts de la violence dans le couple ", sorti en 2005, vous montrez que toute violence est avant tout psychologique. Comment cela peut-il être le cas pour la violence physique ?

Il n'y a jamais de violence physique s'il n'y a pas eu, avant, de la violence psychologique.

La violence physique, est une façon de marquer le corps et de faire effraction dans l'enveloppe corporelle, en voulant dire " ton corps m'appartient et je vais le soumettre si tu me résistes ". Il suffit d'une seule fois ou de suggérer, de menacer pour que la femme ressente la même chose que si le coup avait été porté.
Ces gestes ne sont pas n'importe lesquels : pour une femme enceinte, les coups seront portés au ventre, pour une femme fière de son physique, ils seront portés au visage. Les hommes violents disent souvent savoir où frapper pour ne pas que cela se voit. La violence physique n'est donc pas que physique…

La violence physique peut aussi être indirecte, par exemple le geste peut passer à côté, mais cela amène la peur. Le coup peut être retenu, en disant que la prochaine fois il ne le sera pas. La violence physique peut être très subtile, à tel point que certaines fois, la femme ne la considère pas comme telle (une femme qui est bousculée et qui tombe pourra dire qu'elle est tombée toute seule).

P.S. : La violence physique, " c'est l'empreinte qui permet de lire sur le corps l'acceptation de la soumission ", et cette violence peut être aussi sexuelle ?

Dans la violence sexuelle l'enjeu n'est pas le sexe mais la domination. C'est une façon de dire : " ton corps m'appartient, et j'en fais ce que je veux". Trop souvent les femmes pensent qu'en couple elles ne peuvent pas refuser un rapport sexuel. Elles acceptent, se résignent. La violence sexuelle consiste aussi en des humiliations, par exemple par des pratiques sexuelles dégradantes. Ce peut être aussi un rapport sexuel imposé qui peut être considéré comme un viol. D'autres fois les femmes acceptent un rapport sexuel pour calmer un partenaire violent.

P.S. : Au-delà de la violence physique, il y a celle qui ne se voit pas : la violence perverse. Avec les exemples de couples que vous décrivez, des constantes reviennent : elle reçoit des reproches ou des insultes, il parle plus qu'elle devant les autres, se réapproprie ses idées, il met en doute sa santé mentale, il n'est aimable que lorsqu'il a besoin d'elle, il montre une distance froide qu'elle se reproche, etc. Les personnes " victimes" doutent-elles d'elles-mêmes au départ ou en viennent-elles à douter d'elles-mêmes ?
La violence perverse est une forme de violence psychologique. Elle n'est pas à distinguer de la violence physique, mais plutôt de la violence cyclique. La violence cyclique est la plus fréquente chez les hommes impulsifs.

La violence perverse n'est pas cyclique mais permanente, par petites touches, subtile. Dans ce cas, il n'y a pas de réconciliation sur l'oreiller, mais une tension permanente. Il y a rarement de violence physique, mais uniquement de la violence psychologique, extrêmement destructrice car il s'agit d'attaquer par des mots, l'intimité et l'identité d'une personne. Comme c'est très subtil, les victimes doutent : elles ne sont pas sûres que c'est de la violence et cela les amène à penser que c'est elles qui sont responsables.
Un pervers suffisamment intelligent, peut amener n'importe qui à douter, pas simplement la conjointe. C'est un comportement qu'on retrouve dans différents contextes, et un pervers intelligent peut amener l'autre à douter de lui-même, même si il est affirmé. Il y a des pervers moins doués, moins intelligents, et dans ce cas, ils choisissent quelqu'un qu'ils peuvent manipuler. Un pervers narcissique sait repérer chez l'autre la faille qui va permettre d'entrer, or, nous avons tous une faille, fragilité, point faible. Le pervers va s'y infiltrer.

P.S. : Vous constatez que le manipulateur " peut en arriver à des comportements si contradictoires qui paraissent dénués de bon sens " : voulez-vous dire qu'il s'agit de personnes très perturbées, malgré les apparences ?

Tous les manipulateurs ne sont pas des pervers, mais chez un pervers narcissique, notre mode de réflexion ne fonctionne pas. Ces personnes n'ont pas de sensibilité, elles ont développé leur intelligence au dépend de leur affectivité, c'est-à-dire qu'elle n'ont aucune affectivité, mais elles sont extrêmement intelligentes. Comme elles n'ont pas de scrupules à faire souffrir l'autre, elles n'ont pas de culpabilité. Leur but est de parvenir au pouvoir, d'être supérieur à l'autre. Ce mode de fonctionnement cache un grand vide intérieur : s'ils pouvaient se regarder, ils constateraient qu'ils n'auraient pas une bonne image d'eux-mêmes. Mais, comme ils ne peuvent pas se regarder, ils attaquent l'autre pour se rehausser.

P.S. : Vous notez que ces hommes sont la plupart du temps des gens très agréables en société, dont on ne pourrait soupçonner ce type de comportement. Comment expliquer cette ambivalence ?
Ce sont des hommes hyper adaptés à notre société. Leur but est de réussir, ils sont stratèges, intelligents, séducteurs et efficaces puisqu'ils n'ont aucun scrupule. Donc ce sont des gens qui réussissent très bien et, vu de l'extérieur, ce sont des personnes merveilleuses. On dit à leur femme " quelle chance tu as d'être avec quelqu'un comme ça ! ". Mais pour se maintenir dans cette séduction, ils ont besoin d'écraser et de dominer quelqu'un. Tout le monde peut être un peu comme ça, mais les gens qui fonctionnent à peu près normalement ont des doutes sur eux-mêmes, de la culpabilité, du remords quand ils sont odieux avec quelqu'un. Ce type de personnes se rencontre de plus en plus fréquemment car nous sommes dans une société narcissique qui valorise la réussite immédiate, la réussite malgré les mensonges, les magouilles et les tricheries. On donne comme modèle à nos enfants que la réussite est dans ce fonctionnement là…

P.S. : Pouvez-vous me parler du syndrome de Stockholm ?
Le syndrome de Stockholm a été décrit à partir d'une agression, à Stockholm : lors d'une prise d'otages dans une banque, les otages ont tous défendu les agresseurs quand la police a voulu les défendre. Une des otages a même épousé l'un des agresseurs, c'est le plus surprenant. Pourquoi se met-on du côté des agresseurs ? Quand on est en danger, quand notre vie dépend du ravisseur, on peut s'identifier à l'agresseur, fonctionner comme lui et prendre son parti pour se protéger. Le danger vient alors de la police qui veut libérer les otages, et on espère que l'agresseur va nous laisser en vie si on est gentil avec lui. Ce procédé là explique le fonctionnement du syndrome de Stockholm. J'en parle au sujet des femmes victimes de violence qui défendent leur agresseur - " il ne l'a pas fait exprès " - elles se mettent à penser comme lui pour le protéger et se protéger.

P.S. : Les 4 phases de la violence que vous décrivez - phase de tension, phase d'agression, phase d'excuse, phase de réconciliation - sont-elles systématiques ?
J'y ai répondu partiellement plus haut car la violence cyclique, c'est la violence d'un agresseur impulsif. Les personnes narcissiques ne fonctionnent pas par cycles. Les agresseurs impulsifs vont avoir une tension intérieure liée à leur malaise interne, qui va faire qu'ils vont se sentir nerveux et angoissés. Eux ne le traduisent pas en angoisse, mais en irritabilité. Cette tension va passer dans le couple et, à un moment, l'agresseur va décharger cette tension sur la femme : ce sera une violence verbale, le cassage d'objets, la violence physique, et ils vont se rendre compte que ça les défoule. Après, ils craindront que la femme les quitte car leur fragilité vient aussi de leur peur d'être abandonnés. Ils vont donc se rapprocher de la femme avec des excuses, de la gentillesse, puis de la réconciliation. Ces cycles se répètent, mais toujours en s'aggravant. La femme devient de plus en plus tolérante car elle sait qu'en fin de cycle, il y a réconciliation, puisque, quand il veut, il peut être très gentil. La femme va devenir accro à cette violence car la violence promet une récompense, c'est un réflexe conditionné. L'homme va constater que, d'une part, cette violence lui fait du bien (il est détendu), et que d'autre part, il ne se passe rien (il n'est pas puni). C'est donc efficace et il va recommencer. Les cycles se font de plus en plus rapprochés, de plus en plus graves et la femme se protége de moins en moins.

P.S. : Cette violence psychologique n'est pas étrangère à la domination des hommes sur les femmes qui perdure, selon vous. La femme doit être " féminine ", l'homme est contraint d'être " performant" et " viril ", n'ayant pas appris à contrôler sa colère et sa jalousie. Pourtant, il semble qu'on fasse tout pour tendre vers la parité ?

Il me semble que les rapports entre les sexes sont compliqués. Auparavant, la domination d'un homme sur une femme allait de soi. Actuellement, avec la libération des femmes, soit disant la parité, les femmes ont pu acquérir une autonomie, au moins sur le plan social. Elles sont de plus en plus autonomes, libres et se considèrent comme l'égal des hommes. Je trouve qu'il y a une résistance de la part d'un certain nombre d'hommes : la résistance peut être subtile (vis-à-vis d'une femme qui gagne plus, vis-à-vis d'une femme qui prend trop de décision dans la maison…), mais il y a beaucoup d'hommes qui se sentent fragilisés par l'autonomie de la femme. Ils ont l'impression de n'avoir plus leur place, ils sont vulnérables sans pouvoir l'exprimer, donc ils risquent de décharger leur tension par de la violence. C'est un double lien : on demande aux hommes d'être viriles, de réussir, d'être performants, et en même temps, ils sont fragilisés dans le monde professionnel. Les femmes sont ambivalentes : elles veulent l'égalité mais elles continuent à chercher des hommes protecteurs. Là, il y a un phénomène qui n'est pas simple. L'éducation reste à faire et il faudra peut-être une ou plusieurs générations pour y parvenir.

P.S. : Le choix amoureux se fait de façon complémentaire : un homme qui aura besoin de dominer saura choisir une femme paraissant soumise et dépendante, une femme émotive sera rassurée par un homme dont elle dépendra mais qui semblera la protéger : voulez-vous dire que chacun s'y retrouve, que la dépendance est réciproque ?
Je considère que lorsque la dépendance est réciproque, il n'y a pas de problème. La définition de la violence, c'est quand quelqu'un impose à l'autre un échange qui ne lui convient pas sans qu'il puisse l'exprimer. Par exemple, une scène de ménage peut être très bruyante, mais chacun dit tout ce qui ne va pas. Tant que l'autre peut répliquer, il ne s'agit pas de violence, mais de conflit. Le conflit n'est pas de la violence. Une dépendance réciproque, ce peut être bien. Dans un couple où l'un domine dans un registre et l'autre dans un autre, c'est l'égalité. Les hommes et les femmes ne sont pas semblables et peuvent avoir des qualités complémentaires. On est attiré plus par les fragilités de l'autre que par ses réussites. La dépendance réciproque, complémentaire n'est pas du tout de la violence.

P.S. : Les pervers narcissiques - manipulateurs extrêmes, très adaptés socialement, hommes de pouvoirs, fins stratèges, se protégeant en étant insensibles aux émotions, considérant la femme comme une rivale à écraser - semblent les pires : comment en arrive-t-on là ? L'éducation reçue peut-elle expliquer cela ?
On ne naît pas pervers, on le devient. Soit parce qu'on a été considéré comme un mauvais objet ou un objet sexuel, donc maltraité ou abusé sexuellement, soit parce qu'on a été idolâtré et qu'on n'a pas eu de limites. La perversion narcissique est une question de cadres et de limites. Sans cadres et sans limites, ces personnes empiètent sur l'autre et veulent un pouvoir illimité. Donc, la perversion narcissique se crée par une éducation malveillante ou une éducation sans limites.

P.S. : Selon vous, aucune personne sous emprise ne peut s'en sortir seule, sans une aide extérieure telle que psychothérapie. En revanche, pour les personnes manipulatrices, ce type d'aide extérieure ne serait d'aucune utilité. Rien n'est-il donc possible pour eux ?

Dans le cas d'une personne sous emprise, plus elle a été victime longtemps, plus la violence a été grave, et moins elle peut s'en sortir seule. Elle a besoin d'être accompagnée pour s'autonomiser, pour sortir de ce lavage de cerveau. Il lui faut un " lavage de cerveau à rebours " pour qu'elle décode la violence.
Pour les personnes manipulatrices ponctuelles, la psychothérapie peut aider, à condition qu'il y ait une demande.
Pour les pervers narcissiques, ils n'ont jamais de demande puisqu'ils ont toujours raison et que les autres sont des imbéciles, à leurs yeux. On ne peut pas aider quelqu'un qui dit avoir raison de traiter telle personne de cette façon puisqu'elle le mérite. Quand ils viennent nous voir, c'est pour nous montrer que nous sommes des imbéciles, ou pour nous utiliser (par exemple, à la demande de la justice, ils viennent, mais uniquement parce qu'on leur a demandé). On ne peut rien faire avec ces personnes là.

P.S. : " Comment peut-on aimer quelqu'un et reconnaître que cette relation est destructrice ? " : que faire devant ce type de prise de conscience, qui s'exprime régulièrement sur http://www.parent-solo.fr/ ? Quels conseils auriez vous envie de donner à ces personnes ?

Ce que j'ai envie de dire c'est que lorsqu'on aime quelqu'un, on ne peut pas le traiter de cette façon, et en même temps, il faut dire aux personnes qui subissent en disant " je reste parce que je l'aime " (ce qu'on entend souvent), qu'elles doivent arriver à dire " justement, parce que je t'aime, je ne peux pas accepter que tu me traites comme cela ". C'est-à-dire que pour se faire respecter, il faut d'abord se respecter soi-même. Il faut donc refuser tout comportement dans lequel il n'y aurait pas de respect. L'amour ne justifie jamais la violence. Quel que soit le type de violence, elle n'a aucune justification.