Le temps est venu pour nous de proclamer notre indépendance
d’Israël
par Chris Hedges *

on Commondreams.org, 2 juillet 2007
TruthDig.com
http://www.commondreams.org/archive/2007/07/02/2231/
traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier


Israël, sans les Etats-Unis, n’existerait probablement pas. Ce pays s’est dangereusement approché de son extinction
durant la guerre d’octobre 1973 ( October 1973 war ), au cours de
laquelle l’Egypte (pays formé et soutenu par l’Union soviétique)
traversa le canal de Suez, tandis que les Syriens déferlaient à
travers les hauts plateaux du Golan. D’énormes avions transports de
troupes américains volèrent à son secours. Ils se mirent à atterrir au
rythme d’un toutes les demi-heures pour réapprovisionner une
armée israélienne en déroute, qui avait perdu la plupart de ses
blindés lourds. A la fin de la guerre, les Etats-Unis venaient de
refiler à Israël 2,2 milliards de dollars en assistance militaire d’urgence…

Cette intervention, qui eut le don de mettre le monde arabe hors de
lui, a déclenché l’embargo pétrolier de l’OPEC (oil embargo ) qui
allait mettre les économies occidentales cul par-dessus tête pendant des
années. Ce fut là, sans doute, l’exemple le plus dramatique du
système permanent d’assistance respiratoire prodiguée par les
Etats-Unis à l’Etat juif.

Israël était né ( born ), à minuit, le 14 mai 1948. Les Etats-Unis
reconnurent leur bébé (oups : le nouvel Etat) onze minutes
(seulement) après l’accouchement. Depuis lors, les deux pays sont
comme pétrifiés dans une étreinte fatale.

Au début de cette relation symbiotique, Washington était encore
capable d’exercer une influence sédative. Ce fut en effet un
président Eisenhower congestionné de colère qui exigea – et obtint
– le retrait d’Israël après que les Israéliens eurent occupé Gaza, en
1956. Durant la guerre des Six Jours, en juin 1967, des avions de
guerre israéliens bombardèrent le navire de guerre américain USS
Liberty (USS Liberty ). Ce bâtiment, arborant le drapeau américain et
stationnant à 15 miles marins au large de la côte israélienne, était
occupé à intercepter des communications tactiques et stratégiques
des deux camps ennemis. Les frappes israéliennes tuèrent 34
marins américains et en blessèrent 171. Cette agression délibérée
doucha, pour un temps, l’entichement de Washington pour Israël.
Mais des brouilles telles celle-ci ne s’avérèrent finalement que des
bouderies, bientôt aplanies par un lobby israélien de plus en plus
sophistiqué et bien financé, qui entreprit de fusionner les politiques
étrangères israélienne et américaine au Moyen-Orient.

Israël a moissonné des gratifications monstrueuses de cette alliance.
Il s’est vu offrir plus de 140 milliards de dollars d’aide économique
directe et d’assistance militaire américaines. Il reçoit autour de 3
milliards de dollars d’assistance directe annuellement, soit environ
un cinquième du total du budget d’assistance extérieure des
Etats-Unis. Bien que la plupart des programmes d’aide financière
américaine en direction de l’étranger stipulent que les emplettes
militaires doivent être effectuées dans le supermarché américain,
Israël est quant à lui autorisé à utiliser environ un quart de ce fric
pour subventionner sa propre industrie de défense, très rentable et
en expansion. Israël, à la différence des autres pays, est exempté
de rendre des comptes quant à la manière dont il dépense son
argent de poche. De plus, des fonds sont régulièrement siphonnés
là-dedans pour construire de nouvelles colonies juives illégales,
renforcer l’occupation israélienne dans les territoires palestiniens et
construire la barrière de sécurité, pour un coût croquignolet de près
d’un million de dollars au kilomètre.

Cette ‘barrière’ serpente à travers la Cisjordanie, créant des poches
hermétiquement isolées de Palestiniens dépossédés enfermés dans
des ghettos. Quand elle sera achevée, elle aura pour effet de
confisquer, de fait, jusqu’à 40% des terres (appelées par une
restriction abusive, ndt) palestiniennes. Il s’agit là, en
l’occurrence, de la plus importante confiscation de terres perpétrée par Israël depuis la guerre de 1967. Et bien qu’officiellement les Etats-Unis
désapprouvent l’expansion des colonies et cette muraille, ils les
financent, elles aussi.

Les Etats-Unis ont jusqu’ici fourni (et ça continue…) à Israël près de
3 milliards de dollars lui permettant de mettre au point des systèmes
d’armement, et ils ont donné à Israël l’accès à certains des joujoux
les plus sophistiqués de leur propre arsenal, dont les hélicos
d’assaut Blackhawk (ce qui signifie ‘faucon noir’, ndt) et les
supersoniques d’assaut F-16. Ils accordent par ailleurs à Israël
l’accès à des renseignements militaires qu’ils refusent même à leurs
alliés au sein de l’Otan. Et quand Israël a refusé de parapher le
traité de non-prolifération nucléaire, les Etats-Unis sont restés cois,

n’élevant pas la moindre protestation tandis que les Israéliens
mettaient la dernière main à ce qui allait être le premier programme
nucléaire (à finalité militaire)au Moyen-Orient.

La politique étrangère états-unienne, en particulier depuis
l’administration Bush actuelle, n’est pratiquement plus qu’une
annexe de la politique étrangère israélienne. Depuis 1982, les
Etats-Unis ont opposé leur veto à 32 résolutions de l’Onu critiquant
Israël, ce qui dépasse le nombre total des vetos opposés par tous
les autres pays membres du Conseil de Sécurité. Ils refusent
d’imposer la mise à exécution des résolutions de l’Onu qu’ils
prétendent avaliser. Ces résolutions intiment à Israël l’ordre de se
retirer des territoires occupés. Avec le temps, la colère et la révolte
des Arabes, devant ce favoritisme éhonté, atteignent un niveau
volcanique. Peu de gens, au Moyen-Orient, distinguent encore la
moindre différence entre la politique américaine et la politique
israélienne ; on ne voit d’ailleurs pas comment ils feraient ? Et quand

les islamistes radicaux invoquent le soutien inconditionnel des
Etats-Unis à Israël comme raison première de leur haine pour les
Etats-Unis, nous ferions bien de tendre l’oreille. Les conséquences
de cette relation unilatérale sont étalées devant nos yeux : la guerre
désastreuse en Irak, les tensions croissantes avec l’Iran, la crise
humanitaire et politique à Gaza. Au Liban, le Hezbollah se prépare à
une nouvelle guerre avec Israël – un conflit dont la plupart des
analystes spécialistes du Moyen-Orient disent qu’il est inéluctable.
La politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient est en train
de s’effilocher. Cela, uniquement en raison de cette ‘relation
spéciale’. L’éruption d’un conflit d’ampleur régionale provoquerait un
cauchemar aux dimensions cataclysmiques.

Beaucoup de gens responsables, dans l’establishment des relations
étrangères, notamment au Département d’Etat, voyaient cette
situation se profiler. La décision de tout miser sur Israël n’a pas été

populaire, dans un premier temps, auprès de tout un tas d’experts
ès politique étrangère, dont le Secrétaire d’Etat du président Harry
Truman, le général George Marshall. Ils ont prévenu qu’un retour de
manivelle en pleine tronche était à prévoir. Ils savaient le prix
qu’auraient à payer les Etats-Unis dans cette région riche en pétrole
pour ce coup de poker, dont ils redoutaient qu’il ne s’avère une des
plus énormes conneries de l’ère de l’après-guerre. Et ils avaient vu
juste. Cette décision a obéré la sécurité tant des Etats-Unis que
d’Israël, et elle a servi de mèche allumée à une conflagration
régionale toujours possible.

Ce mariage catholique, totalement insensé en termes de
géopolitique, n’a pas plus de sens quand on l’examine à travers la
loupe de la politique intérieure américaine. Le lobby pro-israélien est
devenu une force très importante au sein du système politique des
Etats-Unis. Aucun candidat d’importance, qu’il soit démocrate ou
républicain, n’oserait le défier. Le lobby a réussi à épurer le
Département d’Etat de tous ses experts arabisants, lesquels
contestaient la notion selon laquelle les intérêts israéliens et
américains étaient (soi-disant) équivalents. Les partisans d’Israël
ont détourné des centaines de millions de dollars afin de soutenir
des candidats à des fonctions électives aux Etats-Unis jugés
favorables à Israël. Ils ont brutalement puni les fortes têtes
dissidentes, dont le président Bush (père), dont ils ont dit qu’il
n’était pas suffisamment énergétique dans sa défense des intérêts
israéliens. Ce fut là une leçon que la Maison Blanche bushiste
suivante n’allait pas oublier. George Deubeuliou Bush ne voulait à
aucun prix n’effectuer un unique mandat, comme son papa !

Israël a préconisé la destitution du pouvoir de Saddam Hussein, et
actuellement, il soutient des frappes militaires contre l’Iran pour
empêcher ce pays d’acquérir l’arme nucléaire. Une implication
israélienne directe dans les opérations militaires américaines au
Moyen-Orient est inenvisageable : elle rallumerait immédiatement
une guerre entre les pays arabes et Israël. Les Etats-Unis, qui
évitaient, durant la guerre froide, toute implication militaire directe

dans cette région du monde, font désormais carrément le boulot
d’Israël, tandis que celui-ci les regarde faire depuis le bord du
terrain. Durant la guerre du Golfe, en 1991, Israël est resté
spectateur, exactement comme dans la guerre actuelle en Irak. Le
président Bush, confronté à un soutien chancelant à sa guerre en
Irak, porte publiquement Israël aux nues ; il en fait un modèle
( model ) pour ce qu’il aimerait voir devenir l’Irak. Imaginez un peu
comment cela peut être perçu dans la rue arabe, qui voient Israël de
la manière dont les Algériens voyaient les colonisateurs français,
durant leur guerre de libération !..

« En Israël », déclarait Bush tout récemment, « des terroristes ont
volé leur vie à des êtres humains innocents, et cela dure depuis des
années, avec ces attentats suicides. La différence, c’est qu’Israël est
une démocratie bien vivante, qui ne se voit pas interdire de prendre
ses responsabilités. Et c’est là un bon indicateur du succès que nous
sommes en train de rechercher, en ce qui nous concerne, en Irak… »

Les Américains sont de plus en plus isolés et exécré dans le monde
entier. Ils demeurent outrageusement ignorants de leur propre
culpabilité dans cet ostracisme. La propagande américaine dépeint
un reste du monde qui ne serait pas raisonnable, alors qu’en
revanche, Israël, assure-t-on aux citoyens américains, sera toujours
dans notre camp.

Israël moissonne les récompenses tant économiques que politiques
de son Etat d’apartheid de fait. Dans son marché de « communauté
recluse », ce pays a commencé à vendre des systèmes et des
techniques qui permettent au pays de faire face au terrorisme. En
2006, Israël a exporté pour 3,4 milliards de matériels de défense –
soit plus d’un milliard de plus que ce qu’il a perçu sous forme
d’assistance militaire américaine. Israël a ainsi accédé au quatrième
rang des marchands d’armes dans le monde. Le plus gros de cette
croissance s’est d’ailleurs produit dans ce secteur dit « de la
sécurité intérieure ».

« Les produits et services clés », comme l’a expliqué ( wrote ) Naomi
Klein dans le quotidien américain The Nation, sont des barrières
high-tech, des drones (avions sans pilote), des cartes d’identité
biométriques, des équipements portables de surveillance vidéo et
audio, des systèmes de profilage de passagers d’avions et
d’interrogatoire de prisonniers – c’est-à-dire très précisément les
outils et les technologies qu’Israël utilise depuis des années pour
sceller hermétiquement les territoires occupés. C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle le chaos, à Gaza, et dans le reste de la région,
ne menace en rien les performances économiques de Tel-Aviv : au
contraire, il est susceptible de les booster. Israël a appris de
transformer une guerre interminable en marque de fabrique, vantant
son déracinement, son occupation et son confinement du peuple
palestinien comme une avance d’un demi-siècle dans la « guerre
planétaire contre le terrorisme ».

Les Etats-Unis, officiellement tout du moins, ne soutiennent pas
l’occupation, et en appellent à un Etat palestinien viable. Ils sont un
acteur planétaire, dont les intérêts nationaux s’étendent bien
au-delà des contours du Moyen-Orient, et l’équation selon laquelle
‘les ennemis d’Israël sont nos ennemis’ n’est pas aussi simple qu’il y
paraît. « Le terrorisme, ce n’est pas un unique adversaire », ont écrit
John Mearsheimer et Stephen Walt dans la London Review Of Books
( The London Review of Books ), « mais une tactique employée par
un très vaste éventail de groupes politiques. Les organisations
terroristes qui menacent Israël ne menacent pas les Etats-Unis, sauf
quand ceux-ci interviennent militairement directement contre elles
(comme au Liban, en 1982). De plus, le terrorisme palestinien n’a
rien d’une violence arbitraire visant Israël ou l’ « Occident ». Non,
il s’agit dans une très large mesure d’une réplique à la campagne
israélienne de longue date visant à coloniser la Cisjordanie et la
bande de Gaza. Mais il y a plus important encore : affirmer qu’Israël
et les Etats-Unis seraient unis par une menace terroriste partagée,
c’est prendre la relation de cause à effet à l’envers : les Etats-Unis
ont un problème avec le terrorisme en très grande partie justement
du fait qu’ils sont aussi étroitement alliés à Israël, et non le
contraire. »

Aux Etats-Unis, la politique moyen-orientale est mise en musique par
des gens qui ont des liens extrêmement étroits avec le lobby. Ceux
qui tentent de s’opposer à la position israélienne ultra, comme
l’ancien secrétaire d’Etat Colin Powell, reçoivent impitoyablement la
taloche qui les envoie se rhabiller. Cette alliance était effective,
également, sous l’administration Clinton, avec sa brochette d’experts
ès Moyen-Orient « Israël avant tout », dont le coordonnateur spécial
pour le Moyen-Orient Dennis Ross et Martin Indyk, (Martin Indyk ),
ancien vice-président de l’Aipac [American Israel Public Affairs
Committee] ( AIPAC ), une des officines de lobbying pro-israélien les plus puissantes sur la place de Washington. Mais Indyk et Ross avaient
au moins pour eux d’être des gens sains d’esprit, prêts à envisager
la création d’un Etat palestinien, aussi non-viable fût celui-ci, dès
lors que cela était acceptable, pour Israël. Mais l’administration Bush
s’est tournée vers l’aile du lobby israélien située à l’extrême droite,
c’est-à-dire vers des gens qui n’avaient pas une once de compassion
envers les Palestiniens, ni le moindre début de critique vis-à-vis
d’Israël. Ces nouveaux experts ès Moyen-Orient incluent Elliott
Abrams, John Bolton, Douglas Feith, I. Lewis « Scooter » Libby
(tombé en disgrâce), Richard Perle, Paul Wolfowitz et David
Wurmser.

Il fut un temps où Washington avait encore la volonté de retenir la
main d’Israël ; il était intervenu pour faire mettre un terme à
certaines de ses violations les plus effroyables des droits de
l’homme. La présente administration, toutefois, a avalisé toutes les
conneries d’Israël, y compris les plus désastreuses, depuis la
construction de la barrière de sécurité en Cisjordanie jusqu’à
l’invasion et les bombardements en tapis du Liban, en passant par la
coupure du monde de la bande de Gaza et la création délibérée
d’une crise humanitaire dans ce véritable camp de concentration.

Les quelques tentatives tiédasses déployées par la Maison Blanche
bushienne de critiquer les agissements d’Israël se sont toutes
terminées en retraites hâtives et humiliantes devant les pressions
israéliennes. L’armée israélienne (Israel Defense Forces ) ayant
réoccupé la Cisjordanie, en avril 2002, le président Bush exhorta le
Premier ministre israélien de l’époque – Ariel Sharon – à « mettre un
terme aux incursions israéliennes et à engager un retrait ». Ce
retrait n’a jamais eu lieu. Après une semaine de fortes pressions du
lobby pro-israélien et des alliés d’Israël au Congrès – autant dire la
quasi-totalité de ses membres –, le président jeta l’éponge, allant
jusqu’à qualifier Sharon d’ « homme de paix » ! Ce fut un moment
particulièrement humiliant pour les Etats-Unis – une indication très
claire, en tous les cas, de qui tire les ficelles, dans ce pays.

La guerre contre l’Irak avait plusieurs motifs. Le désir américain de
contrôler le pétrole, la persuasion que Washington était en mesure
de s’acheter des gouvernements fantoches dans la région, ainsi
qu’une peur réelle – quand bien même était-elle mal placée – de
Saddam Hussein jouèrent un rôle dans le désastre actuel. Mais il
avait été également fortement déterminé par la notion consistant à
affirmer que ce qui est bon pour Israël le serait, aussi, pour les
Etats-Unis. Israël voulait qu’on neutralisât l’Irak. Les services
israéliens du renseignement, dans la période de préparation de la
guerre, a refilé des informations erronées aux Etats-Unis au sujet du
prétendu arsenal irakien d’armes de destruction massive. Et quand
Bagdad fut conquise, en avril 2003, le gouvernement israélien se mit
à pousser, immédiatement, dans le sens d’une attaque contre la
Syrie. La séduction d’une telle attaque s’est éventée, essentiellement parce que les Américains n’ont pas suffisamment de troupes pour tenir l’Irak. Alors, une nouvelle occupation, n’en parlonsmême pas !

Aujourd’hui, Israël exerce un lobbying intensif sur les Etats-Unis pour
leur faire lancer des attaques aériennes contre l’Iran, en dépit de sa
débâcle au Liban. La détermination d’acier qui est celle d’Israël,
d’empêcher coûte que coûte l’apparition d’un Iran nucléarisé, fait
qu’il est probable qu’une agression contre l’Iran se produise avant la
fin de l’administration Bush. Les efforts visant à empêcher le
développement d’un programme nucléaire (par l’Iran) par les voies
diplomatiques ont échoué. Et peu importe que l’Iran ne représente
absolument pas une menace pour les Etats-Unis. Peu importe qu’il
ne représente même pas non plus une quelconque menace pour
Israël, qui dispose de plusieurs centaines de têtes nucléaires dans
son arsenal. Seul compte le fait qu’Israël exige une domination
militaire totale sur le Moyen-Orient…

L’alliance entre Israël et les Etats-Unis a atteint son apex après
cinquante années d’implication directe militaire des Etats-Unis au
Moyen-Orient. Cette implication, qui ne sert en rien les véritables
intérêts des Etats-Unis, est en train de donner libre cours à un
véritable cauchemar géopolitique. Des soldats et des Marines
américains sont en train de mourir, par dizaines, dans une guerre
absurde et inutile. L’impuissance des Etats-Unis face aux pressions
israéliennes est totale. La Maison Blanche et le Congrès sont
devenus, sans doute pour la première fois dans l’histoire des
Etats-Unis, une annexe directe des intérêts israéliens. Il n’y a
désormais plus de débat, aux Etats-Unis mêmes. Cela est mis en
évidence par les hochements de tête obséquieux devant Israël de
tous les candidats actuels à la présidence des Etats-Unis, à
l’exception de Dennis Kucinich. Le coût politique, pour ceux qui
oseraient défier Israël, est bien trop élevé. Cela signifie qu’il n’y
aura aucune solution pacifique au conflit palestino-israélien. Cela signifie
aussi que les incidents de terrorisme islamique contre les Etats-Unis
et Israël sont appelés à se multiplier. Cela signifie que la puissance
et le prestige des Etats-Unis sont appelés à connaître un déclin
vertigineux et irréversible. Et je crains que cela signifie aussi que
l’expérimentation juive au Moyen-Orient ne touche à sa fin ultime.

L’affaiblissement des Etats-Unis, économiquement et militairement,
donne lieu à l’apparition de nouveaux centres de pouvoir.
L’économie américaine, mal gérée et ponctionnée par la guerre en
Irak, est de plus en plus dépendante des importations chinoises et
de la détention par la Chine d’obligations du Trésor. La Chine
possède pour 825 milliards de dollars de réserves, en dollars. Si
Pékin décidait de quitter le marché des bons du trésor américain,
même partiellement, cela ferait tomber le dollar en chute libre. Cela
entraînerait l’effondrement du marché de l’immobilier américain,
évalué à 7 000 milliards de dollars. Il y aurait une épidémie de
banqueroutes des banques et un chômage énorme. La dépendance
croissante des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine s’est accompagnée
d’une action agressive, de la part des Chinois, visant à nouer des
alliances avec plusieurs des principaux pays exportateurs de pétrole
du monde, tels l’Iran, le Nigéria, le Soudan et le Venezuela. Les
Chinois sont en train de se préparer à la guerre de tous contre tous,
dans le monde entier, qui plane au-dessus de nos têtes, pour
s’arracher des ressources naturelles en voie d’épuisement.

L’avenir est sombre. Non seulement les objectifs de politique
extérieure d’Israël ne coïncident pas avec les intérêts américains :
ils leur portent gravement atteinte. La bellicosité croissante au
Moyen-Orient, les appels à une action militaire contre l’Iran,
l’effondrement du projet impérial en Irak ont tous donné des
ouvertures, là où elles étaient inexistantes jusqu’ici, aux pays rivaux
de l’Amérique. Il n’est pas dans l’intérêt d’Israël d’allumer la mèche
d’un conflit régional. Ce n’est pas non plus dans le nôtre.
Cependant, ceux qui tiennent la barre semblent déterminés, au nom
de la liberté et de la démocratie, à maintenir le cap du navire de
l’Etat américain toutes voiles dehors, droit sur les récifs que nous
commençons à voir se profiler à l’horizon.

[ * Chris Hedges, diplômé de Harvard Divinity School, a été durant
près de vingt ans correspondant à l’étranger du New York Times, est
l’auteur de l’ouvrage « Fascistes américains : la droite chrétienne et
la guerre contre l’Amérique » ( American Fascists: The Christian Right
and the War on America. ).]

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