Conference on One Democratic State

Conférence sur un Seul État Démocratique

Un seul Etat démocratique pour tous, contre deux Etats séparés, l'un dominant l'autre Par Ginette Hess Skandrani Présidente de l'Association La Pierre et L'Olivier

J'ai adhéré à l'association "Pour un seul Etat démocratique en Palestine/Israël, après bien des réflexions, analyses et discussions avec les un/es et les autres. Cela me semblait une proposition très utopique (ce qui était un avantage, car l'utopie c'est la vie), provocatrice (ce qui est également un avantage, car provoquant des débats contradictoires) et surtout antisioniste (ce qui sera beaucoup plus difficile à faire admettre). Je savais que cette initiative serait très difficile à expliquer à ceux qui militaient pour la décolonisation de toute la Palestine, en disant ce sera aux Palestiniens de décider quelle forme ils veulent donner à leur Etat. Encore plus difficile à faire comprendre à ceux qui voulaient deux Etats, l'un a côté de l'autre. Et certainement impossible à ceux qui dénonçaient la violence de l'Etat d'Israël sans proposer de solution. Certains de mes amis argumentaient : "Pourquoi rajouter Israël au titre, cet Etat usurpateur des terres palestiniennes ayant été crée sur un mensonge, et puis, la Palestine ancestrale n'englobait elle pas tous les peuples et communautés ? Pourquoi ne pas revenir carrément à avant 1947 ? D'autres disaient : "Il ne peut y avoir égalité entre tous les habitants si les uns ont tout et les autres rien. La démocratie proposée ne peut être qu'une démocratie de domination ?" D'autres encore : "comment allez-vous vous opposer à l'idéologie sioniste qui est fondée sur l'épuration ethnique? Puis, "Et tous les millions de réfugiés et déplacés, comment gérer ce problème, sans provoquer de nouveaux drames ?" Ou : "Il faudra pour créer un nouvel Etat, détruire les structures de d'Israël avec quels moyens et quelles transitions ?" Je répondais souvent : " Qui aurait pu imaginer au cours de toutes ces années de manifestations, rassemblements, pétitions, conférences contre l'apartheid en Afrique du Sud que ces deux communautés (noires et blanches, colonisateurs et colonisés, exploiteurs et exploités) allaient se réconcilier et essayer de construire ensemble ce pays ? " Ou bien : "Qui aurait pu imaginer, que l'URSS, aussi impérialiste que les USA, allait se désintégrer aussi vite ? Elle a du coup réveillé tous les nationalismes et identités exacerbées qu'elle avait réprimés dans le sang. Qui dans ce XX1è siècle naissant peut s'imaginer qu'un Etat ethnique, fondé sur le droit du sang, d'apartheid, excluant tous ceux qui n'appartiennent pas à l'ethnie dominante puisse continuer à survivre dans un monde en pleine mutation ? Quelques réflexions à faire partager : Faut-il opposer la proposition d'un Etat unique pour tous, à celle de deux Etats séparés ? Après quatre guerres, deux Intifada, des milliers de massacres, des centaines de milliers de déportations, des milliers de maisons et de champs détruits, plusieurs négociations manipulations baptisées "pour la paix" et ratées, rien n'a changé. Les sionistes ne peuvent toujours pas profiter tranquillement des terres usurpées. Les Palestiniens sont toujours debout et résistent toujours. Le peuple palestinien se relève à chaque fois que quelques âmes bien pensantes veulent lui faire baisser la tête en lui proposant des accords frelatés. Il sait bien que sa cause est juste et qu'il finira par gagner. En ce début d'année 2004, et malgré toutes les manipulations siono-américaines soutenues par tous les médias, nous savons tous qu'il ne se présente d'autre solution en Palestine que celle d'un Etat unique pour tous, pluriel, multiethnique, multiculturel et démocratique avec des droits et des devoirs partagés pour tous ses habitants quelle que soit leur religion, leur appartenance, leur pratique ou leur non-pratique religieuse. Cette initiative sera très difficile à faire accepter à tous les protagonistes, y compris à certains Palestiniens qui justifient la création d'un Etat islamiste à côté de l'Etat juif. Cette initiative me semble toute aussi dangereuse et pleine d'embûches que celle proposée par les Israéliens qui de toute façon ne lâcheront aucune parcelle de terre conquise sans pressions de la communauté internationale. Deux Etats, dont l'un : l'Israël détiendrait 78% des terres de la Palestine historique en continu, maintiendrait les colonies de peuplement, le mur de la honte, les routes de contournement chez son voisin et possèderait toujours les armes de destruction massive prenant en otage tous les peuples de la région ; et, l'autre, Le Palestinien avec 22 % (moins le mur, les colonies et les routes de contournement), désarmé, morcelé, parcellisé, sans aucun débouché vers l'extérieur, désarmé et esclavagisé par son voisin.... ne nous semble absolument pas viable. Un petit peu d'histoire : La résolution 181, votée le 29 novembre 1947 par l'Assemblée générale de la toute jeune ONU instaure la partition de la Palestine par 33 votes pour, dont celles des Etats-Unis, de l'Union soviétique et de la France, 13 contre et 10 abstentions, dont celle du Royaume-Uni. C'est cette résolution imposée par les grandes puissances du moment qui est responsable de la Nakba. Il faut rappeler qu'à cette époque, une grande partie des peuples de la planète n'étaient pas souverains et n'avaient donc pas voix au chapitre. Toutes les manœuvres et pressions exercées par les grandes puissances occidentales auront été bonnes pour obtenir la majorité requise des deux tiers. La résolution 181 crée : ° Un Etat juif sur 56, 47 % de la Palestine pour 498 000 juifs. ° Un Etat arabe sur 43,53 % du territoire pour 807 000 Palestiniens et 10 000 juifs. ° Un régime de tutelle internationale pour Jérusalem avec 105 000 Palestiniens et 100 000 juifs. Cette résolution jugée illégale et illégitime a toujours été dénoncée par l'ensemble du Monde arabe car : ° Le peuple le plus concerné par ce vote, le peuple palestinien, peuple autochtone dans toutes ses composantes, n'a jamais été consulté sur le partage de sa terre. ° Le Monde arabe étant encore largement colonisé et ne pouvant donc s'exprimer officiellement alors qu'il était tout autant concerné par le devenir de cette région n'a pu prendre part au vote. ° Et surtout l'ONU a outrepassé son rôle en créant artificiellement un Etat sur la terre d'un peuple qui s'y accrochait et continue encore aujourd'hui à s'y accrocher désespérément. Le mandat britannique a pris fin la 14 mai 1948 et le lendemain, les sionistes ont proclamé unilatéralement l'Etat d'Israël. En quelques jours les Palestiniens sont devenus minorité au sein d'une entité étrangère, sans changer de lieu, sans avoir été consultés. La fin du mandat colonial britannique annonçait leur aliénation existentielle. Comment auraient-ils pu accepter passivement ce hold-up ? Déjà avant mai 1948, les persécutions anti-palestiniennes, marquées par le massacre de Deir Yassine dans la nuit du 9 au 10 avril où l'Irgoun de Beghin et le groupe Stern de Shamir massacrèrent plus de 300 civils endormis, entraîne la fuite d'environ 300 000 personnes, sans qu'aucun pays arabe ne proteste. 380 villages furent comme Deir-Yassine rayés définitivement de la carte. Après une tentative de trêve marquée par l'assassinat du médiateur de l'ONU, le Comte Bernadotte, par le groupe Stern, la première guerre Israélo-arabe consacrait la victoire d'Israël, les pays arabes préférant signer des armistices séparés en n'acceptant que des frontières de fait. La défaite arabe a permis à l'Etat juif de s'agrandir et a redessiné une nouvelle configuration de la Palestine : ° L'Etat d'Israël avec 12 % de Palestiniens restés sur place ; ° Une Palestine sous influence égyptienne (la Bande de Gaza) ° Une Palestine annexée à la Transjordanie dans le royaume hachémite de Jordanie ( la Cisjordanie). Ces deux morceaux de Palestine s'appelleront dorénavant "Territoires occupés". La Palestine ancestrale a été atomisée, ses habitants exilés sur leurs propres terres, dotés du statut de réfugiés, assistés par l'UNRWA (organisme d'assistance des Nation Unies pour les réfugiés), parqués dans des camps concentrationnaires à Gaza ou en Cisjordanie qui en accueillent près de 700 000. Dès lors, on distingue les Palestiniens de l'intérieur ceux des territoires occupés en 48, ceux des territoires occupés en 67 et ceux de l'extérieur (les réfugiés, auxquels on peut ajouter la diaspora disséminée dans le Monde arabe, eu Europe et aux USA ou ailleurs). Le 11 mai 1949, Israël est admis au sein de l'Onu et est à ce jour, le seul Etat devenu membre sans avoir eu à déposer une carte de ses frontières. Il contrôle environ 80% de la Palestine et rejette immédiatement l'internationalisation de Jérusalem votée par l'Onu. Dans le même temps, en application de la "loi du retour", les juifs qui s'installent sont automatiquement naturalisés alors que les "réfugiés" "(nouveau nom des Palestiniens) qui y sont nés n'ont pas le droit d'y revenir. Les Palestiniens n'ont jamais accepté cet état des lieux et ont toujours organisé la résistance à l'occupation avec obstination et détermination et parfois des actions fortes et spectaculaires selon les conjonctures. Si nous voulons nous engager sur la proposition d'un seul Etat démocratique sur la terre historique de Palestine, il faut avant tout, dire que nous voulons décoloniser toute la Palestine et donc démanteler les structures d'Israël et, nous ne pouvons transiger sur ces principes Il faudra aussi nous poser des questions sur le démantèlement des colonies et de ces horribles routes de contournement qui zigzaguent entre les champs, les villages et les maisons palestiniennes. Et ne parlons pas de ce mur barbare qui nous rappelle, à nous autres Européens de si sinistres souvenirs. La résistance palestinienne Cette résistance a toujours existé. Mais elle ne nous apparaissait pas dans nos lucarnes télévisées, puisque le peuple palestinien était nié dans son existence, donc sa résistance légitime ne pouvait qu'être traitée d'inexistante ou forcément de terroriste. L'Intifada de 1987, avec le soulèvement de l'ensemble de la population, les enfants lanceurs de pierres, les femmes largement engagées dans l'autosuffisance alimentaire, les familles boycottant les produits israéliens, organisant les entraides, les grands-mères et grands pères soutenant l'infrastructure de la résistance,, a donné une autre image de ce peuple spolié depuis si longtemps. Les accords d'Oslo, comme tous ceux qui ont suivi, y compris l'arlésienne de Genève, que nous n'avions pas soutenus, ont été une énième tentative de soumettre la résistance. L'Intifada Al Aqsa est certainement plus organisée et différente de la première. La résistance prend aujourd'hui plusieurs formes. Nous devons la soutenir globalement et dans toutes ses composantes, car elle est juste. Et résister à l'occupant, est non seulement un droit mais aussi un devoir et ceci pour tous les peuples envahis. Nous comprenons fort bien que les attaques-kamikazes puissent choquer quelques-uns, mais elles ne sont certainement pas plus choquantes que les F16, les missiles envoyés dans les maisons occupées par des familles. Nous n'avons pas à critiquer la forme de résistance que choisissent les Palestiniens. Les réfugiés palestiniens Intervenir pour un Etat unique en Palestine, implique évidemment d'exiger le droit au retour des réfugiés La résolution 194 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 11 décembre 1948 spécifie dans son paragraphe 11 : "Il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, que des indemnités doivent être payées au titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers ou pour tout bien perdu et endommagé". Cette résolution pourtant acceptée par Israël pour pouvoir accéder à l'ONU n'a jamais été appliquée. Encore aujourd'hui, après 55 ans d'errances des réfugiés et plusieurs guerres subies, l'Etat juif refuse toujours d'en discuter. Actuellement, selon l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) organisation crée en 1949, les réfugiés Palestiniens et leurs descendants, sont de l'ordre de trois millions et demi de personnes dont 30 % vivent dans des camps. Le sort de ces réfugiés constitue depuis plus d'un demi-siècle le plus grand problème humanitaire jamais résolu, la honte des Nations Unies et de la Communauté internationale et surtout un problème de sécurité majeure, ayant eu des répercussions régionales énormes et jouant un rôle central pour la paix dans le Moyen-Orient. Ce problème s'est encore accentué depuis la colonisation de l'Irak, vu que les Palestiniens qui s'étaient intégrés dans la population irakienne ont été ramenés dans des camps et revivent dans le plus complet dénuement. Les Prisonniers palestiniens Les prisonniers palestiniens ont aussi été les oubliés des accords signés. Pourtant les prisons israéliennes sont bondées. Dans un rapport (2/2004) de Nadi al-asir al-filistini (Club du prisonnier palestinien) : 7254 Prisonniers dispersés dans 15 prisons israéliennes, 311 prisonniers jugés à la peine de prison à vie et 319 dont la peine dépasse 15 ans de prison. Parmi ces prisonniers se trouvent beaucoup de femmes et d'enfants. En mettant en avant des justifications "sécuritaires" émotionnelles, Israël est capable d'ignorer ou de violer délibérément les droits des enfants palestiniens. Sous prétexte de "sécurité", 2500 enfants palestiniens ont été arrêtés, détenus et dans de nombreux cas torturés et maltraités au cours des trois ans et demi qui viennent de s'écouler. Sous prétexte de "sécurité", au moins 340 enfants sont détenus aujourd'hui dans des prisons militaires et civiles en Israël. Sous prétexte de "sécurité", 30 d'entre eux accomplissent une peine dans une prison dans le désert, sans avoir eu droit à un procès. Le désarmement d'Israël devient urgent N'oublions pas qu'Israël possède des armes de destruction massive L'armement nucléaire israélien a été dénoncé dès 1986 par l'ingénieur israélien Mordachaï Vanunu, dans le "Sunday Times" des 5 et 12 octobre 1986. Cela fait 17 ans qu'il croupit en prison et au secret. C'est dans le complexe nucléaire de Dimona, planqué dans le désert du Neguev, ayant plusieurs étages souterrains qu'Israël a produit une centaine d'ogives nucléaires. Ces ogives ont certainement triplé depuis lors puisque personne, ni dans la région, ni parmi les "pays qui veulent donner des leçons au peuple irakien" ne s'en est inquiété. Le silence officiel, la protection des autres puissances nucléaires, le barrage des informations reste à ce jour total. L'usine est cachée dans le désert et produit des ogives nucléaires depuis 1966. Entre-temps, elle a certainement, d'après certains articles échappés dans une certaine presse israélienne, fabriqué des armes thermonucléaires d'une capacité suffisante pour détruire des villes entières. Nous savons aussi que l'armée israélienne utilise ponctuellement des gaz qui auraient des effets sur le système nerveux pour les personnes qui les inhalent. Accusation sur laquelle s'était fondé le un journaliste de France culture pour mener une enquête dans la Bande de Gaza. Nous avions déjà, lors d'un voyage en Palestine été affronté à ce genre de gaz qui pue comme des ?œufs brouillés et est d'une couleur jaunâtre très bizarre. Ce ne sont certainement pas des gaz lacrymaux. Les femmes nous disaient que ce gaz faisait avorter les femmes enceintes et était responsable de l'étouffement des personnes âgées ou de ceux qui avaient des problèmes respiratoires. Contribution au débat : un seul Etat démocratique en P/I Ce sont quelques bases sur lesquelles nous avons créé l'association " La Pierre et L'Olivier "en 1990 et nous n'avons jamais transigé sur ces principes. Nous n'avons pas soutenu les accords d'Oslo ni aucun des suivants, car nous sommes restés fidèles aux propositions de la charte de l'OLP : Un Etat laïc et démocratique sur toute la terre de Palestine. Pour nous, ainsi que pour d'autres organisations palestiniennes, arabes, chrétiennes ou musulmanes, cette charte n'a pas été jugée caduque. Nous désirons apporter notre contribution au débat "pour un seul Etat démocratique en Palestine-Israël" tout en restant vigilantes et en surveillant de près le génocide du peuple palestinien programmé et réalisé au fil des années et des occupations successives. Nous devons continuer à dénoncer partout le projet de disparition d'un peuple autochtone sur cette terre riche de milliers d'années d'histoire et de diversité culturelle.

Paris, mars 2004