LO : secte ou vox populi ?

La France reste l'un des derniers pays occidentaux à posséder de nombreux groupes trotskistes actifs. Lors des prochaines élections présidentielles, cette gauche radicale sera représentée par les trotskistes de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), du Parti des travailleurs (PT) et de Lutte ouvrière (LO). Si la LCR paraît plus ouvert , le parti d'Arlette Laguiller semble plus mystérieux jusqu'au véritable nom : Union Communiste Internationale (UCI) . C'est sur cette formation, ses militants et ses méthodes que l'on va tenter de donner un coup de projecteur. Tout a commencé en 1940, lorsque David Korner( plus connu sous le nom de Barta) et sa femme fondent une fraction trotskiste, l'Union communiste internationaliste.

En mai 1947 une poignée de militants emmené par Barta concentrent toutes leurs forces chez Renault-Billancourt et Citroën-Javel , où débuta une vague de grèves. Cela demeura " l'acte fondateur " dans la mythologie L.O. Suite à ces grèves, l'UCI tenta de créer un nouveau syndicat, le Syndicat démocratique de Renault. Mais ce syndicat ne réussit pas à percer et aura même pour conséquence d'effondrer le moral des militants.

En 1950, l'UCI cessa toute activité. Ces militants mettront plusieurs années à s'en remettre.
En 1956, ils se retrouveront autour de Hardy, ennemi intime de Barta qui l'avait exclu peu après la grève de 1947. Ils créeront Voix Ouvrière.

A partir de 1963, ils diffuseront un hebdomadaire Lutte ouvrière, encore présent de nos jours, très ouvriériste reprenant nombre d'information de bulletins d'entreprise publiés localement . Ce groupe est curieusement absent des évènements de mai 1968 et affiche même du mépris envers le mouvement étudiant jugé " petit-bourgeois ".

En 1974, " Hardy ", le vrai patron de ce parti, dirigeant actionnaire de plusieurs sociétés au service de la très capitaliste industrie pharmaceutique lance le concept Arlette en appliquant les techniques du marketing. Depuis cette date, elle est l'éternelle candidate aux élections présidentielles. " Pendant toute cette période, Hardy, sous son vrai nom de Robert Barcia, devient un interlocuteur du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique, puissant lobby patronal, au point de se retrouver, après 1984, conseiller rétribué du syndicat. Extraordinaire double vie qui fait de Barcia un grand mondain dans l'un des cercles les plus puissants du CNPF, et, le soir, Hardy le bolchevique pur et dur! Les actionnaires et administrateurs de ces sociétés sont tous des dirigeants de LO, comme François Duburg - dont on découvre le vrai nom au registre du commerce : Maurice Schroedt. " Christophe Nick Les trotskistes.

1995 est le grand déclic. Grâce à un courant de sympathie dans les médias, elle réalise 5,3% des suffrages (plus de 1,6 million de suffrages). A cette époque pour paraître branchée dans les quartiers huppés de la capitale, la bourgeoisie aimait dire qu'elle votait Arlette par pure snobisme. Il fallait surfer sur la vague trotskiste car en France se targuer d'appartenir ou d'avoir fait partie d'un groupuscule trotskiste a toujours été un " must " à écrire en gras dans son CV.

Arlette a toujours reçu de nombreux soutiens parmi les médias, les chanteurs (Alain Souchon lui a même consacré une chanson) jusqu'au jour où elle a commis une erreur en se déclarant contre la légalisation des drogues douces. Plus directement interrogée sur le sujet pendant la campagne des européennes, Arlette Laguiller confirmait: "Nous, franchement on n'est pas pour que les jeunes se droguent et fuient ainsi les réalités. On préfère qu'ils lisent, qu'ils se cultivent et s'engagent." C'est presque uniquement sur cette phrase que de nombreux médias se sont empressé de marquer une distance avec elle au point que les Inrocks dans leur édition du 26/02/02 se sont fendus d'un article expliquant pourquoi il ne faut pas voter pour Laguiller.

Beaucoup disent "J'ai du respect pour sa fidélité à ses idées!" Ainsi, elle arrive à tirer son capital de sympathie de ce qui devrait inquiéter le plus : sa fidélité à une idéologie, à son dogmatisme forcené. Ses idées politiques n'ont rien de sympathique : elle veut revenir aux sources de la théorie du communisme de Marx et d'Engels basées sur une analyse du capitalisme de cette époque, l'Europe d'il y a un siècle et demi. Le monde a changé mais le discours de Lutte ouvrière n'a pas bougé d'une virgule et certains la félicitent pour cela ! Lorsqu'on essaye d'en savoir plus sur son programme on ne peut qu'être abasourdi par l'aspect doctrinaire et autoritaire de ce parti. Lors de l'émission Quand je serais président, pendant le débat avec Vincent Peillon porte-parole du P.S., Arlette Laguiller a évoqué la possibilité de" révoquer à tout moment " les élus du suffrage universel par " le contrôle démocratique et conscient de la population ".En clair, par des " soviets ".

Derrière une candidate qui peut paraître sympathique se cache un parti qui l'est beaucoup moins. "Evidemment, explique Hardy , Lutte ouvrière est une organisation qui n'a pas l'air bien démocratique. Eh bien, oui! C'est une dictature oui! Et personne n'y échappe, dans notre organisation." Le " centralisme qui accompagne la démocratie, ça consiste à marcher au même pas, et, pour cela, à obéir aux dirigeants qu'on a choisis " rapport politique prononcé le 5 décembre 1992 cité par Christophe Nick Les trotskistes Il n'est donc pas étonnant que selon un sondage publiée par Marianne daté du 5 mars 2002 52 % des électeurs frontistes déclarent leur proximité avec le discours de la candidate LO. L'hebdomadaire Lutte ouvrière propage toujours le même discours antisioniste. Attirée par ces propos, on peut voir " au milieu de la foule sortant du meeting, un homme seul diffuser un tract. C'est l'éditeur négationniste Pierre Guillaume, qui habite à côté. Le service d'ordre de LO, impressionnant et nombreux, est en rang sur les marches de la Mutualité et regarde sans rien faire. Mieux, certains lisent le tract sans réagir. Et Pierre Guillaume peut, tranquillement, continuer à distribuer sa prose négationniste. Pire, les militants présents ne jettent pas ses tracts : ils les lisent. Sans faire de commentaires, comme il sied à un groupe où personne ne pense par lui-même " Actualité Juive du 21 mars 2002

Les militants de LO n'ont pas la vie facile. Il n'est pas bien vu de se marier même si ce n'est pas clairement affiché. On conseille plutôt aux militants de ne pas avoir de vie sentimentale et d'enfants. Attaqué sur ce sujet, Lutte ouvrière a finalement choisi de s’expliquer dans un document intitulé Elles courent, elles courent, les rumeurs « Le fait d'avoir un enfant n’est évidemment en rien un "comportement bourgeois". Par contre, le fait d'avoir un enfant, pour un militant qui occupe des responsabilités, peut l'empêcher d'exercer valablement celles-ci (à moins d'avoir des domestiques ou de laisser sa compagne assumer seule les charges qui découlent de cette naissance, ce qui n'est pas précisément dans nos mœurs). Cela dit, ce n'est pas pour autant un motif d'exclusion. Par contre, quand un de nos responsables décide d'avoir un enfant après avoir expliqué à d'autres qu'ils ou qu'elles devraient y renoncer pour militer, nous nous sentons effectivement le droit de juger que ce comportement-là n'est pas compatible avec l'appartenance à notre mouvement.»Cela n’a pas empêché que lors de l’université d’été denier de Lutte ouvrière, filles et garçons devaient faire dortoir à part. Une fois de plus LO n’a pas dérogé à cette règle. C’est une des rares organisations à régir la vie privée de ces adhérents. N’est-ce pas  une des caractéristiques propres à une secte ?

La plus grave confusion que nombre de français commettent, c’est de tenir ce parti comme un parti comme les autres, simplement plus à gauche que d’autres. S’il y a bien une gauche attachée aux libertés publiques, aux  respects des opinions dans la diversité, hélas il existe aussi une gauche totalitaire représentées par LO dont toute la doctrine et toute l’action ne tendent qu’à la domination du parti unique, à l’asservissement des consciences et à la tyrannie implacable de l’appareil d’état .

Fabrice Trochet

Article paru dans l'Idealiste