Ce dessin nécessite au moins une tentative d'explication écrite.

En tout ce qui concerne le judaïsme, les Juifs et la discrimination
les concernant, le problème est mal posé, ou plutôt il est posé à l'envers,
soit le rapport de cause à effet est inversé.

Ma théorie, concernant la naissance, l'apparition de ce qu'on peut nommer
le judaïsme moderne, soit celui qu'on connaît actuellement, qui implique
une séparation des Juifs d'avec le reste de l'humanité, et qui est surtout
composé d'une compilation d'interdictions envers les Juifs de fréquenter,
de se mélanger, avec les non-Juifs, remonte sans doute à la période
d'exil en Mésopotamie, vers le 6 ème siècle avant J.C., quand certains membres
de la population juive du royaume de Juda, ont été déportés
par la puissance babylonienne (actuel Irak).

Il est probable que les dirigeants de l'Etat babylonien, puis perse, aient utilisé des
membres de la population dite maintenant juive comme scribes, focntionnaires,
afin de tenir les comptes
des finances de l'Etat, et de gérer l'impôt et
ses prélèvements au sein de la population indigène de Mésopotamie.

A cette fin, et pour fidéliser la population dite maintenant juive, cette population
fut maintenue
séparée du reste de la population mésopotamienne, et
dotée d'avantages, jusqu'à la transformer en une partie en opposition, rendue
hostile à la population indigène, et en bute à son hostilité.

Cet état de fait, et ce procédé de séparation furent maintenus lors de la libération et
du retour en Judée des populations dites maintenant juives, par leurs
chefs, qui y virent un moyen radical de maintenir leur propre pouvoir
sur cette population. Ces chefs furent imposés en Judée par les Perses,
ainsi que leur système idéologique.

C'est à partir de cette époque, que l'auto-discrimination de cette population fut
théorisée et transcrite dans les livres religieux juifs.
C'est à partir de cette époque qu'existe le judaïsme moderne,
et qu'on peut parler de Juifs

Cette partie de l'humanité fut ainsi conditionnée à être à nouveau utilisée par
d'autres pouvoirs, à d'autres époques et dans d'autres lieux.

Ce qui avait été inventé et vécu en Mésopotamie, était la création
d'une partie de population asservie parfaitement au pouvoir, car minoritaire,
coupée de la masse, et mise en opposition avec la masse,
maintenue étrangère à la masse, en la dotant d'une statut à part et de
privilèges.

Ce fut la fabrication du plus efficace moyen de diviser la population
dominée en deux, soit de l'affaiblir, pour maintenir sa domination sur l'ensemble
de la population, par tout pouvoir.

Cet outil idéal de division ; la population juive, fut utilisé par tout pouvoir
de n'importe quelle région, pour diviser sa population exploitée
(ceci incluant les Juifs qui sont de même en réalité exploités), et ainsi se
maintenir au pouvoir.

On peut dire que les Juifs sont une pure création du pouvoir, et que la séparation
entre Juifs et non-juifs disparaîtra avec l'évolution de l'humanité vers une
organisation sociale supérieure débarassée du pouvoir, de la domination et
de l'exploitation par une minorité de la masse de la population.

On peut dire que tant qu'il y aura le pouvoir, il utilisera et discriminera les Juifs,
et il y aura certains Juifs pour se satisfaire de cette situation, et
qui entretiendront cette discrimination, parce qu'elle leur assure leur propre
domination sur la population juive.

Il est probable que tout cela s'est produit spontanément, par le hasard
et l'enchevètrement des circonstances.

 

http://www.erudit.org/revue/theologi/1999/v7/n2/005009ar.html

 

« L'exil ». Remarques historiques

Francolino J. Gonçalves
École biblique et archéologique française , Jérusalem

1. Introduction

La déportation en Babylonie d'une partie de la population du royaume de Juda en 597 et 587 ou 586 av. J.-C. est le point de référence fondamental de l'histoire de ce que l'on appelle l'ancien Israël. Je ne parle pas, bien sûr, du royaume d'Israël, qui avait cessé d'exister en 722. Je me réfère à cette autre entité que la Bible, et tout le monde à sa suite, appelle du même nom. Il s'agit d'une réalité difficilement saisissable, car ses contours ont fluctué au cours des siècles, et n'ont jamais coïncidé avec les frontières d'un État. On divise habituellement l'histoire de ces Israël en trois périodes : « préexilique », « exilique » et « postexilique ». Les divisions bipartites en premier et second temple, et en période monarchique et post-monarchique, ont comme points de référence respectivement la destruction du temple salomonien et la suppression de la monarchie de Juda, des faits qui sont étroitement associés, ou que l'on associe, aux déportations babyloniennes. En datant la fin de la période du fer en 586/5 av. J.-C., même l'archéologie a fait de « l'exil » un de ses repères. Conçue comme une servante de l'histoire de l'ancien Israël, l'archéologie de la Palestine a été façonnée, autant que possible, à l'image de sa maîtresse.

La division de l'histoire de l'ancien « Israël » en une période antérieure et une autre postérieure à « l'exil »[1] n'est pas une invention moderne. Elle a été établie par les auteurs bibliques eux-mêmes, et elle est devenue traditionnelle, comme il ressort, par exemple, de la généalogie de Jésus selon Matthieu (Mt 1,11-12).

2. Présentation biblique de l'exil

2 R 24-25 ; Jr 37-44 [2]  ; Jr 52 et 2 Ch 36 rapportent les événements qui sont à l'origine de l'exil. Il en ressort, à grands traits, le tableau suivant. Nabuchodonosor, au cours de deux campagnes militaires, a détruit Jérusalem et son temple. Il a exécuté quelques dizaines de personnes, et en a déporté quelques milliers d'autres dont les rois Joiakîn et Sédécias. Il n'a laissé dans le pays que le petit peuple. « Ainsi Juda fut exilé loin de sa terre », concluent 2 R 25,21b et Jr 52,27b. À partir de ce moment là, Juda ne vit plus dans son pays, mais en Babylonie.[ 3 ] Peu de temps après les déportations, Ismaël assassine quelques-uns de ceux que Nabuchodonosor avait laissé dans le pays (2 R 25,25 ; Jr 42,2-3.7-8) ; tous les autres se réfugient en Égypte (2 R 25,26 ; Jr 41,16-44,30). De la sorte, le pays de Juda a été vidé de ses habitants. L'exil a pris fin lorsqu'un groupe de Judéens, obéissant aux ordres de Cyrus, roi des Perses, se mît en route vers Jérusalem pour y construire un temple à Yahvé. Avec ce groupe, c'est Juda/Israël qui retourne dans son pays. Racontés par les livres d'Esdras et de Néhémie, son retour est un nouvel exode, et son installation à Jérusalem une réplique de l'occupation de Canaan par les Israélites sous la direction de Josué.[ 4 ] Le pays de Juda ayant été entièrement dépeuplé, les habitants que les b e né haggôlâ [ 5 ] y trouvent ne peuvent être que des étrangers[6], avec lesquels ils ne peuvent pas se marier (Esd 9,1-10,44 ; Ne 9,2 ; 10,31 ; 13,13-31).

3. Les opinions des historiens contemporains

Les historiens contemporains ne prennent plus à la lettre les récits bibliques au sujet du dépeuplement complet de Juda. Ils pensent, au contraire, que la majorité de la population est restée dans le pays, et ils s'accordent aussi pour dire qu'elle était constituée exclusivement des classes les plus pauvres et les plus incultes. Entièrement pris par leur lutte pour la survie, les Juifs de Palestine n'auraient pas eu les conditions indispensables au développement matériel, et à plus forte raison, à une véritable création culturelle et religieuse. Cela a été le privilège des exilés, qui constituaient l'intelligentsia et vivaient dans des conditions plus favorables. Autrement dit, la majorité du peuple était restée en Juda, mais son âme serait partie en Babylonie.[ 7 ] La version biblique serait inexacte dans la mesure où elle affirme le dépeuplement complet de Juda, mais elle serait exacte lorsqu'elle suppose que le centre de gravité du peuple s'est déplacé en Babylonie. Par exemple, J.D. Purvis divise l'histoire de « l'exil », en trois sections : nombre des exilés, sa vie en Babylonie et la diaspora en Égypte ; il ne consacre aucune section aux Juifs de Palestine.[ 8 ] En passant, il y a lieu de se demander dans quelle mesure les historiens prennent, explicitement ou implicitement, la diaspora et le sionisme modernes comme clef de leur interprétation de l'histoire juive des périodes babylonienne et perse. Par exemple, la Bible de Jérusalem donne pour titre à Esd 1 « Le retour des Sionistes » ; à Esd 2 « Liste des Sionistes » ; à Ne 7,6-72, « Liste des premiers Sionistes ». A. Chrouraqui intitule Esd 2 « Les Olim », se contentant de translittérer le mot néohébreu qui désigne les immigrants Juifs en Palestine. J. Blenkinsopp en fait autant, en désignant Esd 2 et Ne 7,6-72 par l'expression "census of the first aliya ".[ 9 ] Le sionisme, à son tour, a puisé dans la version biblique des périodes babylonienne et perse une partie de son idéologie ; il lui a aussi emprunté quelques-unes des armes de sa propagande.

Des voix isolées ont contesté la présentation commune de l'histoire de Juda aux périodes babylonienne et perse, mais elles sont restées longtemps sans grand écho.[ 10 ] Elles se font plus nombreuses. [ 11 ] Aux biblistes sont venus se joindre les archéologues.[ 12 ]

4. Propos de l'étude

Il n'est pas dans mon propos de traiter les questions historiques relatives à la période exilique (597-538 av. J.-C.) de façon exhaustive. Difficile en elle-même, pareille tâche serait impossible dans le cadre de cet exposé. Je voudrais seulement examiner les fondements de l'opinion commune selon laquelle, pendant la période babylonienne, la vie nationale du peuple juif a eu pour centre la Babylonie.

Une des conséquences les plus importantes des conquêtes de Nabuchodonosor fut sans nul doute la dispersion d'une partie de la population judéenne et l'apparition de communautés juives en dehors de la Palestine. On peut supposer que l'importance relative de chacune des communautés -- celle de Juda et celles qui se sont constituées en Babylonie, en Égypte, en Transjordanie ou ailleurs -- dépendait du nombre de ses membres, de sa composition sociale, de sa situation économique, de son statut politique, de son activité culturelle et de ses institutions culturelles. Pour mesurer leur importance relative, il faudrait les comparer en tenant compte de ces différents facteurs. Voilà une tâche impossible, du moins pour l'heure, faute d'informations. En fait, on ne sait rien des communautés juives d'Égypte et de Transjordanie à l'époque babylonienne.[ 13 ] Je me restreindrai aux communautés de Babylonie et de Juda. Elles étaient probablement les plus importantes. Elles sont les seules sur lesquelles l'on dispose de quelques informations. On trouve ces informations essentiellement dans la Bible. Je ferai aussi appel aux données fournies par l'archéologie palestinienne et par l'épigraphie mésopotamienne.

5. Conséquences démographiques de la conquête de Juda par Babylone

Il est impossible de déterminer avec précision les conséquences démographiques de la conquête babylonienne, faute de données fiables, d'une part sur la population totale de Juda au début du VI e siècle av. J.-C., et d'autre part sur le nombre des morts, des déportés et des réfugiés entre 597-587/6 av. J.-C.

5.1 Population totale de Juda au début du VI e siècle av. J.-C.

Dans une étude publiée en 1992, M. Broshi et I. Finkelstein calculent que, vers le milieu du VIII e siècle av. J.-C., la population de Juda était d'environ 110.000 habitants, et celle de l'ensemble de la Palestine d'environ 400.000.[ 14 ] La population de Juda a dû s'accroître considérablement, aux environs de 722 av. J.-C., avec l'arrivée de réfugiés israélites.[ 15 ] Les effets de cette croissance, impossible à chiffrer, n'ont pas duré. En effet, une vingtaine d'années plus tard, en 701, Juda a perdu une partie de sa population. Sennachérib prétend avoir fait 200.150 prisonniers de Juda. Presque le double de la population totale de Juda environ un demi-siècle plus tôt, selon les estimations de M. Broshi et I. Finkelstein, ce chiffre est beaucoup trop élevé,[ 16 ] mais on ne peut pas savoir combien de Judéens Sennachérib a réellement déportés.[ 17 ] Quoi qu'il en soit, rien ne suggère que Juda aie connu une crise démographique à partir de 701 av. J.-C. Il paraît donc raisonnable de supposer que la population de Juda s'est maintenue assez stable ; au début du VI e siècle, elle devait être sensiblement la même qu'un siècle et demi plus tôt.

5.2 Nombre de morts

Les récits bibliques rapportent l'exécution d'environ quatre-vingts personnes par Nabuchodonosor : les enfants de Sédécias (2 R 25, 7a ; Jr 52,10a et 39,6a), cinq dignitaires religieux, deux dignitaires militaires, cinq ou sept courtisans et soixante hommes de condition (2 R 25,18-21a ; Jr 52,24-27a).[ 18 ] D'autre part, ils rapportent des assassinats commis par Ismaël : celui de Godolias et de sa suite. Dont on ne précise pas le nombre, ainsi que celui de 70 hommes de Sichem, Silo et Samarie (2 R 25,25 ; Jr 41,1-9).

5.3 Nombre des déportés en Babylonie

Les seuls témoins directs de la déportation de Judéens en Babylonie sont les textes bibliques. Le fait est cependant confirmé par quatre listes de personnes qui recevaient des rations mensuelles d'huile du roi de Babylonie.[ 19 ] Joiakîn, le roi de Juda, figure sur les quatre, et cinq de ses enfants sur trois. L'une d'entre elles mentionne encore Ur-milki, qualifié de juif, et trois personnes avec des noms juifs. Une autre comporte huit Juifs anonymes.

Les données bibliques sont très complexes, et leur interprétation difficile. Je me contenterai de les rappeler. 2 Rois et Jérémie signalent plus d'une déportation, mais ne s'accordent pas sur leur nombre ni sur le nombre de personnes déportées. La notice la plus complète et la plus précise se trouve dans le TM de Jr 52,28-30. Bien que cette notice soit absente de la LXX et de la Vetus Latina de Jr 52[ 20 ], ainsi que de son parallèle en 2 R 24,18-25,30, on s'accorde pour lui reconnaître une grande valeur historique. Jr TM 52,28-30 rapporte trois déportations, indique leurs dates, donne le nombre des déportés lors de chacune d'elles et le total des trois. D'après cette notice, Nabuchodonosor a déporté 3.023 Judéens la septième année de son règne (v. 28), et 832 Hiérosolymitains la dix-huitième année (v. 29). La vingt-troisième année de Nabuchodonosor, Nebuzaradân, commandant de la garde, a déporté 745 Judéens (v. 30a). En tout : 4.600 personnes (v. 30b).

La date de la première déportation, à savoir la septième année du règne de Nabuchodonosor, coïncide avec la date de la première conquête de Jérusalem selon la Chronique Babylonienne (BM 21946).[ 21 ] Le récit biblique de ces événements, que l'on trouve en 2 R 24, 10-17, et la Chronique Babylonienne ont en commun le siège et la conquête de Jérusalem, l'emprisonnement et le remplacement de son roi. Le récit biblique est plus complet et circonstancié. Il développe certains points communs, et en a d'autres en propre dont la déportation à Babylone de Joiakîn avec sa cour (v. 15), ainsi que de milliers de Judéens. D'après le v. 14, Nabuchodonosor a déporté tout[ 22 ] Jérusalem, tous ses chefs, tous[ 23 ] les vaillants guerriers, au nombre de dix mille, tous les artisans et serruriers ; seule fut laissée la plus pauvre population du pays. D'après le v. 16, Nabuchodonosor a déporté les riches, au nombre de sept mille ; les artisans et les serruriers, au nombre de mille, tous les hommes en état de porter les armes.

À la suite de B. Stade[ 24 ], on fait remarquer que les vv. 13-14 de 2 R 24 interrompent le récit de l'emprisonnement (v. 12) et de la déportation (v. 15) de Joiakîn, et se présentent comme un doublet des vv. 15-16. On les tient donc assez généralement pour secondaires. Les vv. 14 et 16 ne se rapporteraient pas à deux groupes différents de déportés, mais donneraient deux variantes de leur nombre total.[ 25 ] Que l'on retienne dix mille (v. 14) ou huit mille (v. 16), ces chiffres dépassent de loin les 3.023 de JrTM 52,28. En plus, il y a entre les deux textes d'autres différences, notamment au sujet de la date des déportations : l'an sept de Nabuchodonosor selon JrTM 52,28, l'an huit selon 2 R 24,12.

En dépit de ces différences, la plupart des exégètes admettent que 2 R 24,14.16 et JrTM 52,28 se rapportent à 597. Les explications des différences au sujet du nombre des déportés sont trop nombreuses pour que l'on puisse les passer en revue. Je signale les deux positions dominantes. Les uns voient en 2 R 24,14.16 et JrTM 52,28 deux ou trois variantes du nombre des déportés que l'on ne peut pas harmoniser.[ 26 ] Les autres acceptent comme historique les 3.023, le chiffre précis et relativement modeste, donné par JrTM 52,28, de préférence aux 10.000 ou 8.000, chiffres ronds et beaucoup plus élevés, donnés par 2 R 24,14.16.[ 27 ] La divergence au sujet des dates serait due à l'écart de plusieurs semaines entre la chute de Jérusalem et la déportation,[ 28 ] ou à deux façons différentes de calculer les années du règne de Nabuchodonosor : 2 R 24,12 compterait l'année de son accession comme sa première année, tandis que JrTM 52,28, suivant la coutume babylonienne, la compterait à part.[ 29 ]

Personne ne doute que la deuxième déportation rapportée en JrTM 52,29 a eu lieu lors de la seconde conquête de Jérusalem en 587/6 (2 R 25,1-21 ; Jr 52,4-27 ; 39,1-10 [ 30 ] ). JrTM 52,29 est le seul document qui donne le nombre des déportés. En effet, 2 R 25,11, JrTM 52,15 et JrTM 39,9 signalent seulement que Nebuzaradân, commandant de la garde, a déporté le reste du peuple, ceux qui étaient restés en ville, les déserteurs qui étaient passés aux Babyloniens et le reste de la foule (2 R 25,11) ou le reste des artisans (JrTM 52,15). 2 R 25,12 par. Jr 52,16 et JrTM 39,10 ajoutent que Nebuzaradân a laissé dans le pays de Juda une partie du petit peuple comme vignerons et laboureurs.

JrTM 52,30 rapporte une troisième déportation, qui a touché 745 Judéens l'an vingt-trois de Nabuchodonosor, c'est-à-dire en 582 av. J.-C. À la suite de B. Duhm, on pense généralement que l'assassinat de Godolias en a été l'occasion.[ 31 ]

En bref, un nombre de déportés inférieur à cinq mille paraît être le plus probable. Même si l'on accepte les chiffres plus élevés de huit ou dix mille (2 R 24,14.16), les déportés n'auraient peut-être pas dépassé environ 10% de la population de Juda.

En général, on pense que les Babyloniens ont déporté toute l'élite de Juda. Or, 2 R 25,22-26 et Jr 40,7-16 montrent qu'il n'en fut rien. En effet, ces textes mettent en scène plusieurs chefs militaires qui étaient restés en Juda chacun avec ses troupes : Ismaël, fils de Netanya ; Yohanân, fils de Qareah ; Seraya, fils de Tanhumèt, le Netophite ; Yaazanyahu, fils du Maakatite. Ismaël était de souche royale (2 R 25,25 et Jr 41,1), c'est-à-dire de la famille de David.[ 32 ] C'est peut-être ce qui explique son complot contre Godolias, qui n'était pas davidide. Quoi qu'il en soit, les textes supposent donc que les Babyloniens n'avaient même pas déporté toute la famille royale. Supposer qu'ils ont déporté toute l'élite dans un accès de vengeance aveugle, c'est ignorer la portée des déportations. Par rapport aux pays d'origine, les déportations avaient pour but d'en assurer la stabilité politique et la prospérité économique sous la domination, et au profit, de Babylone. Le meilleur moyen d'y parvenir dont Babylone disposait était d'éloigner du pays les membres de l'élite qui lui étaient hostiles, et de s'appuyer sur ceux qui lui étaient favorables. C'est ce qu'elle a fait en confiant le gouvernement à Godolias, fils de Ahiqam, de la famille du scribe Shaphan, une des grandes familles judéennes « pro-babyloniennes ». En bref, tout indique que les Babyloniens ont déporté uniquement ceux parmi les membres de l'élite qui s'opposaient à leur domination, laissant sur place ceux qui leur étaient favorables, auxquels ils ont confié le pouvoir. Ils ont déporté probablement aussi nombre d'artisans.

6. Conséquences politiques de la conquête babylonienne

Selon l'opinion commune, en 587/6, Nabuchodonosor a mis fin à la monarchie judéenne,[ 33 ] a transformé le territoire de Juda en une province babylonienne[ 34 ] ou en une sous-province,[ 35 ] et a nommé Godolias gouverneur ou sous-gouverneur. Aucune de ces opinions n'échappe aujourd'hui à une contestation plus ou moins radicale.

En fait, certains indices semblent supposer que les Babyloniens n'ont pas changé le statut de Juda. Comme Sennachérib en 701, Nabuchodonosor n'a pas remplacé les déportés par des étrangers ni confié l'administration du pays à un babylonien. Plusieurs textes bibliques rapportent que Nabuchodonosor hpqyd Godolias (2 R 25,23) dans les villes de Juda (Jr 40,5), dans le pays (Jr 40,7 ; 41,2.18), ou sur le peuple qu'il a laissé dans le pays (2 R 25,22 ; Jr 40,11), mais ils ne précisent pas quels étaient son titre et sa charge. Les traducteurs rendent le verbe par « constituer, établir, nommer gouverneur », mais cette explicitation n'est qu'une supposition.[ 36 ] On remarquera encore que Jr 41,10 signale à côté de tout le peuple qui était avec Godolias à Miçpa les b e nôt hammèlèk . Celles-ci ont été ensuite entraînées en Égypte par Yohanân et les autres chefs militaires (Jr 43,6). Qui étaient ces b e nôt hammèlèk ? Les princesses royales? Le harem royal? De quel roi? De Sédécias? Nabuchodonosor aurait-il confié à Godolias les filles ou le harem de Sédécias, déporté? L'une ou l'autre de ces mesures supposerait que Nabuchodonosor reconnaissait Godolias comme roi (2 Sm 3,7-11 ; 12,8 ; 16,20-22 ; 1 R 2,22). Si les b e nôt hammèlèk étaient les filles ou le harem de Godolias, alors le texte donnerait explicitement à celui-ci le titre de roi. Comme le pensent d'aucuns, les auteurs bibliques auraient-ils occulté le titre royal de Godolias parce qu'il n'était pas davidide?[ 37 ] En confiant le gouvernement de Juda à un davidide, Zorobabel, ou peut-être, successivement, à plusieurs dividides, les Perses voulaient-ils rétablir la dynastie davidique, après un interrègne shaphanide?[ 38 ]

7. Les Judéens en Mésopotamie pendant la période babylonienne

Les documents sur les Juifs de Mésopotamie pendant la période babylonienne sont très rares. D'origine babylonienne, on connaît seulement les quatre listes dont on a déjà parlé. Datées entre 500 et 416 av. J.-C., les archives des Murashu, une famille de financiers de Nipur, se rapportent à la période perse, mais la situation dont elles témoignent a sans doute ses origines à l'époque babylonienne.[ 39 ] Les informations fournies par 2 Rois, Jérémie et Ézéchiel sont peu nombreuses, et difficiles à manier. Avec des informations aussi maigres, il est impossible d'écrire une histoire des Juifs de Mésopotamie à l'époque babylonienne. Grâce à ce que l'on connaît de la Babylonie à cette époque, on peut cependant esquisser leur situation à grands traits.[ 40 ] Leur sort ne devait pas être très différent de celui de la majorité des autres habitants de la Babylonie, autochtones ou d'origine étrangère. En effet, tout indique que les Juifs n'ont pas tardé à s'intégrer du point de vue économique, social et même culturel,[ 41 ] dans la société babylonienne, qui était très cosmopolite. Le transfert de populations étant l'un des instruments du développement économique de l'empire, Babylone a dû mettre à profit les qualifications professionnelles des Juifs, en donnant des terres à la majorité pour qu'ils les cultivent, en employant les artisans dans les travaux publics, les lettrés dans l'administration, les militaires dans l'armée. Dans la lettre qu'il écrit vers 594 aux Juifs que Nabuchodonosor avait déportés environ trois ans plus tôt, Jérémie les exhorte à construire des maisons, planter des jardins, se marier et se multiplier (Jr 29,5-6), ce qui suppose qu'ils pouvaient faire tout cela.

Du vivant de Joiakîn, les Juifs de Babylonie l'ont considéré comme leur roi. Le livre d'Ézéchiel prend la déportation de Joiakîn comme point de référence de sa chronologie. L'autorité dans les différentes communautés était entre les mains des anciens. Esd 8,15-20 suppose l'existence d'un groupe de lévites et de « donnés » à Kasiphya. En plus, le v. 17 emploie l'expression b e kasifya hammaqôm . Or, hammaqôm a souvent le sens de « sanctuaire, temple » (Dt 12,5 ; 1 R 8,29). D'aucuns en concluent qu'il y a eu un temple juif à Kasiphya, en Babylonie,[ 42 ] mais leur interprétation de Esd 8,15-20 dans ce sens est trop incertaine.[ 43 ]

8. Les Juifs en Palestine pendant la période babylonienne (597-538 av. J.C.)

8.1 Sources

2 R 25,22-26 expédie en cinq versets l'histoire du peuple que Nabuchodonosor avait laissé en Juda. Les chap. 40-44 de Jr en donnent un récit beaucoup plus long et détaillé. Ils y font figurer aussi les Juifs qui s'étaient réfugiés dans les pays voisins, attribuent un rôle important à Jérémie, et poursuivent l'histoire du groupe jusqu'à son installation en Égypte.[ 44 ] Nabuchodonosor confie le gouvernement de Juda à Godolias, fils de Ahiqam. Godolias installe son siège à Miçpa. Les chefs militaires de Juda font acte d'allégeance à Godolias avec leurs troupes (2 R 25,23 ; 40,7-8). Tous les Juifs qui étaient en Moab, en Ammon, en Édom et dans tous les pays retournent en Juda (Jr 40,11-12a ; 43,5). Baalis, roi de Ammon, et Ismaël, fils de Netanya, complotent contre Godolias (Jr 40,13-16). Ismaël assassine Godolias et toute sa suite (2 R 25,25 ; Jr 41,1-3), ainsi que soixante-dix hommes de Sichem, Silo et Samarie (Jr 41,4-8). Ensuite, il essaie de s'enfuir en Ammon avec le reste du peuple, mais Yohanân, fils de Qareah, l'intercepte à Gabaon et libère le peuple. Ismaël se réfugie en Ammon (Jr 41,10-16), et Yohanân se réfugie en Égypte avec tout le reste du peuple (2 R 25,26 ; Jr 41,16-43,7) dont Jérémie et Baruch (Jr 43,6). De la sorte le pays de Juda reste désert.

Les textes donnent l'impression que tous ces événements ont eu lieu au cours des deux ou trois mois qui ont suivi la chute de Jérusalem. La seule donnée chronologique se trouve en 2 R 25,25 par Jr 41,1, textes qui datent l'assassinat de Godolias le septième mois, sans en indiquer l'année. Dans le contexte, il doit s'agir de l'an onze de Sédécias, l'année de la chute de Jérusalem, d'après 2 R 25,2 et Jr 39,2. Godolias aurait donc été assassiné deux ou trois mois après la chute de Jérusalem, le cinquième mois (2 R 25,8 par. Jr 52,12). La fuite en Égypte aurait suivi immédiatement (2 R 25,25-26 et Jr 41,16-44,30). Il est peu vraisemblable que tous ces événements se soient déroulés en un laps de temps si court. Si la troisième déportation mentionnée en JrTM 52,30a est l'une de ses conséquences, l'assassinat de Godolias a eu lieu en 582, environ cinq ans après la conquête de Jérusalem.

Quoi qu'il en soit, 2 R 25,22-26 et Jr 40-44 ont pour but de montrer que peu après la conquête de Jérusalem le pays de Juda s'est entièrement vidé de ses habitants. « Tout le peuple, du plus petit au plus grand, et les chefs des troupes partirent et allèrent en Égypte (...) » (2 R 25,26). Jr 40,11-12a et 43,5 précisent que même les Judéens qui s'étaient réfugiés dans tous les pays voisins, notamment en Transjordanie, sont allés en Égypte avec ceux qui étaient restés en Juda. Le retour des réfugiés, une fois la situation de Juda stabilisée, est historiquement très probable. Cela dit, Jr 41,11-12a et 43,5 rapportent le retour des réfugiés dans le but de rassembler en Juda absolument tout le peuple qui n'avait pas été déporté,[ 45 ] pour ensuite le réexpédier en Égypte. 2 R 25,22-26 et surtout Jr 40-44, veulent montrer que tous les Judéens se trouvent soit en Babylonie soit en Égypte, la seule exception étant l'assassin Ismaël et ses huit hommes, réfugiés en Ammon (Jr 41,15).

D'après 2 R 25,22-26, la fuite en Égypte va à l'encontre des exhortations de Godolias, l'homme des Babyloniens. D'après Jr 42,1-43,7, elle est une désobéissance à Yahvé. Après l'avoir consulté et s'être engagé à suivre ses instructions (Jr 42,1-6), tout le peuple, comme un seul homme, rejette l'ordre de Yahvé qui lui enjoint de rester en Juda. Yahvé menace le peuple d'anéantissement au cas où il déciderait d'aller en Égypte, mais il n'en tient pas compte. Le peuple en vient à accuser Jérémie de ne pas parler au nom de Yahvé, mais d'être un jouet entre les mains de Baruch, un ennemi du peuple (Jr 43,1-4). Née d'une désobéissance à Yahvé, la communauté juive d'Égypte est donc entachée d'un péché originel, et condamnée à l'extermination (Jr 42,16-18.22 ; 44,7.12-14.27-28). D'un seul coup, Jr 41,16-43,7 efface de la carte toutes les communautés juives qui ne sont pas nées de la déportation, en particulier la communauté de Palestine, et discrédite la communauté d'Égypte. Par exclusion, il ne reste que la communauté de Babylonie, la seule héritière de la légitimité judéenne. Les Juifs de Babylonie ou les b e né haggôlâ de Judée - et eux seuls - sont Juda ou Israël.

On retrouve la même idée dans d'autres textes des livres de Jérémie et d'Ézéchiel, qui opposent les déportés (Ez 33,23-29), en particulier ceux de 597 (Jr 24,1-10 ; 29,10-20 ; Ez 11,14-21), aux autres Juifs. Le texte classique est la vision des deux corbeilles de figues de Jr 24. À ceux qui avaient été déportés en 597, représentés par les figues excellentes, on annonce le retour et la possession de la terre (Jr 24,5-7 ; 29,10-14 ; Ez 11,16-20). À ceux qui étaient restés à Jérusalem avec Sédécias, représentés par les figues gâtées, on annonce la ruine (Jr 24,8-10 ; 29,15-20 ; Ez 11,21 ; 33,25-29 ; cf. Jr 21,3-10).[ 46 ] Aussi bien ces textes que les récits de Jr 40-44, du moins sous leur forme actuelle, reflètent les luttes pour la suprématie entre les différentes communautés juives qui se sont constituées après 587. Dans la mesure où ils excluent d'Israël les autres communautés juives, ces textes sont des documents de propagande de la communauté juive de Babylonie. Ils ont pour but de fonder la prétention qu'elle a d'être la seule héritière de Juda/Israël.

On discute la question de savoir si les récits de Jr 40-44 ont toujours été un document de propagande de la gôlâ et de ses héritiers. La réponse des auteurs à cette question n'est pas unanime, car ils ne sont pas d'accord au sujet de la critique littéraire et de l'histoire de la rédaction de ces chapitres. N. Lohfink estime que Jr 37-43 est une unité littéraire fondamentale écrite peu après 570 en Babylonie par un Shaphanide en vue de promouvoir les intérêts de sa famille, peut-être sa prétention au trône de Juda.[ 47 ] H.-J. Stipp distingue en Jr 37-44 trois récits. Un seul, qu'il appelle « Chute du judaïsme palestinien » serait d'origine babylonienne. Son auteur se proposerait de montrer que la communauté juive de Babylonie a eu la suprématie malgré elle.[ 48 ]

Bien qu'ils aient été façonnés en grande partie par la propagande de la gôlâ , les récits de Jr 37-43 contiennent des informations historiques. Pour ce qui concerne les récits sur la vie en Juda après le départ de l'armée babylonienne, personne ne doute des informations que ces chapitres ont en commun avec 2 R 25,22-25 : chargé par les Babyloniens de gouverner le peuple, Godolias s'installe à Miçpa ; Ismaël l'assassine ; d'aucuns se réfugient en Égypte de peur des représailles babyloniennes. Historiquement invraisemblable, la fuite en Égypte de tous les Judéens que Nabuchodonosor n'avait pas déportés est une invention de la propagande de la gôlâ . Pour ce qui est des informations propres à Jr 37-43, il n'y a pas de raisons de douter que Jérémie a décidé de rester en Juda. Il cautionne ainsi, de sa présence, le statut politique imposé par Babylone, et témoigne de la conviction selon laquelle le peuple est constitué de ceux qui sont restés en Juda. Jérémie garde intacte sa confiance en l'avenir de Juda sur sa terre, et l'exprime clairement en Jr 32,15 : « Car ainsi parle Yahvé des Armées, le Dieu d'Israël : "On achètera encore des maisons, des champs et des vignes en ce pays" ». Il n'y a pas non plus de raisons de douter que Jérémie est allé en Égypte, et cela contre son gré. Pourquoi aurait-on inventé cette idée, alors que le livre de Jérémie dénie la légitimité à la communauté d'Égypte?

8.2 Situation économique et sociale

Les campagnes babyloniennes de 598/7 et 587/6 ont entraîné la destruction totale ou partielle de plusieurs villes de Juda. L'archéologie montre que tel fut le cas de Ein Guedi, Arad, Beit Shemesh, Lakish et Ramat Rahel, villes situées au sud de Jérusalem. Apparemment, il n'en fut pas de même au nord de Jérusalem. Guibea, Gabaon, Miçpa et Béthel ne furent pas détruites. Les fouilles de G. Barkay dans la nécropole de Ketef Hinnom ont montré que Jérusalem elle-même a été habitée pendant la période babylonienne. Dans l'une des tombes, échappée au pillage, on a trouvé des ossements d'environ cent personnes et plus de mille objets du VII e siècle et de la première moitié du VI e siècle av. J.-C.[ 49 ] G. Barkay fait remarquer que, d'une façon générale, il n'y a pas de solution de continuité dans la civilisation matérielle de la Palestine entre ces deux siècles. Le changement aurait eu lieu à la fin du VI e siècle, en pleine période perse. À son avis, l'opinion commune qui situe la fin du Fer en 586 serait donc sans fondement.[ 50 ]

Ayant eu des déportés, des réfugiés et des morts, la population de Juda a sans nul doute diminué considérablement entre 597 et 587/6 av. J.-C. Cela dit, sans que l'on puisse donner des chiffres, les Judéens restés en Palestine devaient constituer, de très loin, la communauté juive la plus nombreuse à l'époque babylonienne (Ez 33,24). D'après Ez 33,24, ils se vantent d'être nombreux.

La perte démographique a dû diminuer l'importance politique et militaire de Juda, mais rien n'indique qu'elle a affecté défavorablement la vie de sa population pendant longtemps, en particulier son activité économique. Une fois passé le premier choc, la vie a sans doute repris. Les grandes familles pro-babyloniennes n'avaient plus la concurrence de leurs rivales. Les paysans pauvres, qui constituaient la majorité de la population, ont reçu les vignes et les terres de ceux parmi les riches propriétaires qui avaient été déportés (2 R 25,12 ; Jr 52,16 et JrTM 39,10).[ 51 ] Du coup, d'aucuns recouvraient peut-être le patrimoine, voire la liberté, qu'ils avaient perdus en raison de leur insolvabilité.[ 52 ] Cités en Ez 11,15 et 33,24, ceux qui sont restés en Juda se déclarent les seuls propriétaires légitimes du pays, et fondent théologiquement leur revendication. Éloignés de Yahvé à cause de leurs péchés, les déportés ont perdu le droit de propriété en Israël. En réponse, Ézéchiel, représentant le point de vue des déportés, annonce à la fois le retour de ses compagnons pour prendre possession du pays et l'extermination de ceux qui y étaient restés (Ez 11,14-21 et 33,23-29). Il ressort clairement de ces textes que l'enjeu de l'opposition était la possession de la terre, et le pouvoir qui en découlait, que se disputaient les déportés et ceux qui étaient restés en Juda.

8.3 Culte

D'après 2 R 25 par. Jr 52, Nebuzaradân, a mis le feu au temple de Jérusalem (2 R 25,9 et Jr 52,13), a emmené son mobilier (2 R 25,13-17 et Jr 52,17-23) et a fait prisonnier le grand-prêtre, Seraya, le prêtre en second, Çephanyahu, et trois portiers ; Nabuchodonosor les a faits exécuter à Ribla (2 R 25,18.21a et Jr 52,24.27a). Jr 41,5 suppose la continuation du culte. En effet, ce texte parle d'un groupe de quatre-vingts hommes de Sichem, de Silo et de Samarie qui étaient en route vers le temple le lendemain de l'assassinat de Godolias. L'identification de ce temple reste disputée. La majorité des exégètes pensent au temple de Jérusalem, qui n'aurait pas été entièrement détruit ou qui aurait été restauré entretemps. J. Blenkinsopp vient de plaider pour l'hypothèse d'un temple à Miçpa.[ 53 ] Quoi qu'il en soit de l'identification du temple, Jr 41,5 suppose que le culte s'est poursuivi. La cessation complète du culte serait aussi invraisemblable que le dépeuplement complet de Juda.

8.4 Création littéraire et théologique

Dans son étude fondamentale de 1943, M. Noth a proposé de situer la composition de l'Histoire Deutéronomiste à Miçpa ou à Béthel aux environs de 560 av. J.-C. L'accès aux nombreuses sources utilisées par le Deutéronomiste y serait bien plus facile qu'en Babylonie.[ 54 ] La suggestion de M. Noth a été unanimement acceptée pendant environ deux décennies. L'hypothèse relative à l'Histoire Deutéronomiste, à laquelle la majorité des exégètes associe le livre de Jérémie,[ 55 ] est actuellement très fragmentée.[ 56 ] Pour ce qui est de l'origine de ces écrits, on pense à la Babylonie, à Juda ou aux deux à la fois.[ 57 ] Quoi qu'il en soit, le supposé manque de culture des Judéens restés dans le pays, une objection courante contre l'origine palestinienne[ 58 ], est dépourvue de fondement. Le raffinement littéraire et théologique des Lamentations, dont l'origine palestinienne est généralement reconnue, n'a rien à envier à celui de l'Histoire Deutéronomiste.

9. Conclusion

En situant en Babylonie le centre de la vie nationale du peuple juif entre 597-538 av. J.-C., les historiens ne font que répéter la propagande de la communauté juive de Babylonie et de ses héritiers, sauf l'idée du dépeuplement complet de Juda, son élément le plus invraisemblable du point de vue historique, et le plus caricatural.

Pour fonder leur prétention à la possession exclusive du pays de Juda, et au pouvoir qui en découle, la gôlâ et ses héritiers ont déclaré les autres communautés, surtout celle de Judée, inexistantes ; celle d'Égypte, illégitime et condamnée à l'anéantissement. Lorsque les b e né haggôlâ ont pris le pouvoir en Judée grâce à l'autorité impériale perse, leur version de l'histoire s'est imposée. Ils y ont sans doute intégré des éléments de la version rivale que donnaient les Juifs de Palestine, mais ils les ont coulés dans le moule de leur idéologie. Par conséquent, nous n'avons accès à la version palestinienne des événements qu'à travers les yeux des b e né haggôlâ . Voilà ce qui explique sans doute le fait qu'il n'y a pas une histoire de Juda pendant la période babylonienne. Si une telle histoire a existé, les b e né haggôlâ ne pouvaient pas la tolérer, car l'un de leurs dogmes fondamentaux était que le pays de Juda a été alors désert. La période babylonienne était donc condamnée à être le trou noir dont se plaignent les historiens modernes, mais non pas, comme on le suppose, par manque de gens capables d'écrire l'histoire parmi les Judéens qui étaient restés dans leur pays. Ceux-ci étaient, en fait, la très grande majorité du peuple, et ils n'étaient pas tous des culs-terreux, préoccupés uniquement de leur survie. Il y en avait de toutes les classes sociales. Par ailleurs, les Babyloniens ont pris sans nul doute les mesures nécessaires à la bonne marche de la société judéenne. C'était leur intérêt. Les Juifs de Palestine - et probablement aussi ceux d'Égypte et des autres pays - ne voyaient nullement dans les Juifs de Babylonie le nouveau centre de la vie nationale juive. Le fait que Jérémie n'a pas voulu y aller, mais a préféré rester en Juda, en est la preuve. Ézéchiel, un éminent représentant du point de vue de la gôlâ , témoigne de l'opinion que les Juifs de Palestine avaient des Juifs de Babylonie : des pécheurs que Yahvé a punis en toute justice et qui sont, en conséquence, exclus de la possession du pays. Le nombre et la variété des textes que la communauté de Babylonie a produits pour affirmer sa suprématie montrent que la lutte a été serrée. Ce fut finalement le pouvoir perse qui a fait pencher le fléau de la balance en faveur des Juifs de Babylonie en confiant à certains d'entre eux le gouvernement de Juda.

Notes

*  Texte d'une conférence donnée à la Faculté de théologie de l'Université de Montréal, le 8 décembre 1998.

1  En dépit de leur caractère idéologique, j'emploierai les termes courants « Israël », « ancien Israël » et « exil », par commodité.

2  À partir de Jr 25, je renvoie à la numérotation des chapitres du TM.

3  E.W. Nicholson , Preaching to the Exiles. A Study of the Prose Tradition in the Book of Jeremiah , Oxford, Blackwell, 1970, p. 131-133 ; E. Würthwein , Die Bücher der Könige. I. Kön. 17 -- 2. Kön. 25 Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (ATD 11/2), 1984, p. 478-479 ; Y. Hoffman , « The Deuteronomist and the Exile », dans D.P. Wright , D.N. Freedman et A. Hurvitz (ed.), Pomegranates and Golden Bells, Studies in Biblical, Jewish, and Near Eastern Ritual, Law and Literature in Honor of Jacob Milgrom , Winoma Lake, Eisenbrauns, 1995, p. 667-670 (659-675).

4 Surtout Esd 1-2. À ce sujet, on peut voir J. Blenkinsopp , Ezra-Nehemiah. A Commentary, Philadelphia, The Westminster Press (OTL), 1988, p. 52, 83-84, 135 ; H.G.M. Williamson , « The Concept of Israel in Transition », dans R.E. Clements (ed.), The World of Ancient Israel : Sociological, Anthropological and Political Perspectives , Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 157-158 (141-161) ; E. Ben Zvi , « Inclusion in and Exclusion from Israel as Conveyed by the Use of the Term 'Israel' in Post-Monarchic Biblical Texts », dans S.W. Holloway et L.K. Handy (ed.), The Pitcher is Broken. Memorial Essays for Gösta W. Ahlström , Sheffield, Academic Press (JSOT. Suppl. Ser. 190), 1995, p. 96-97 (95-149) ; J.L. Ska , « Exode 19, 3b-6 et l'identité de l'Israël postexilique », dans M. Vervenne (ed.), Studies in the Book of Exodus. Redaction -- Reception -- Interpretation , Leuven, University Press (BETL 126), 1996, p. 312-317 (289-317).

5  Nom que se donnent eux-mêmes ceux qui sont revenus de Babylone (Esd 4,1 ; 6,16 ; 10,6.8.16).

6  On les désigne par les expressions 'm h'r , peuple du pays (Esd 4,4) ; 'my h'r , peuples du pays (Esd 10,2.11 ; Ne 9,24 ; 10,31.32) ; 'my h'r wt , peuples des pays (Esd 3,3 ; 9,1.2.11 ; Ne 9,30 ; 10,29). A.H.J. Gunneweg , «  'm h'r  -- A Semantic Revolution », ZAW 95 (1983) 437-440.

7  J. Bright , A History of Israel , Philadelphia, Westminster Press, 3 1981, p. 343-345 ; B. Obed , « Judah and the Exile », dans J.H. Hayes et J.M. Miller (ed.), Israelite & Judaean History , London, SCM Press -- Philadelphia, Trinity Press International, (1977) 1990, p. 476-480 ; J.A. Soggin , Einführung in die Geschichte Israels und Judas. Von den Ursprüngen bis zum Aufstand Bar Kochba. Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1991, p. 183-187.

8 J.D. Purvis , « Exile and Return. From the Babylonian Destruction to the Reconstruction of the Jewish State », dans H. Shanks (ed.), Ancient Israel. A Short History from Abraham to the Roman Destruction of the Temple , Washington, D.C., BAS, 1988, p. 151-165.

9  J. Blenkinsopp , « The Judaean Priesthood during the Neo-Babylonian and Achaemenid Periods : A Hypothetical Reconstruction », CBQ 60 (1998) 43 (25-43).

10  R. Kittel , Geschichte des Volkes Israel . 3., Stuttgart, W. Kohlhammer, 1927-1929, p. 67-68 ; M. Noth , « La catastrophe de Jérusalem en l'an 587 avant Jésus-Christ », RHPR 33 (1953) 81-102 ; E. Janssen , Juda in der Exilszeit. Ein Beitrag zur Frage der Entstehung des Judentums , Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (FRLANT 69), 1956 ; S. Herrmann , Geschichte Israels in alttestamentlicher Zeit , München, Christian Kaiser Verlag, 1973 ; P.R. Ackroyd , « The History of Israel in the Exilic and Post-Exilic Periods », dans G.W. Anderson (ed.), Tradition and Interpretation , Oxford, Clarendon Press, 1979, p. 320-350.

11  R.P. Carroll , « The Myth of the Empty Land », Semeia 59 (1992) 79-93 ; F. Bianchi , « I superstiti della deportazione sono là nella provincia » (Neemia 1,3). 1. Ricerche epigrafiche sulla storia della Giudea in età neobabilonese e achemenide (586 a. C. - 442 a. C.) , Napoli, Istituto Universitario di Napoli (Supplement agli Annali 76), 1993 ; 2. Ricerche storico-bibliche sulla Giudea in età neobabilonese e achemenide (586 a. C. - 442 a. C.) , Napoli, Istituto Universitario de Napoli (Supplemento n. 82 agli Annali -- vol. 55/1), 1995 ; H.M. Barstad , The Myth of the Empty Land. A Study in the History and Archaeology of Judah During the "Exilic" Period , Oslo, Scandinavian University Press (Symbolae Osloenses Fasc. Suppl. 28), 1996 ; F.J. Gonçalves , « El "destierro". Consideraciones históricas », EstBib 55 (1997) 431-461.

12  G. Barkay , « The Redefining of Archaeological Periods : Does the Date 588/586 B.C.E. Indeed Mark the End of Iron Age Culture? », Biblical Archaeology Today, 1990. Proceedings of the Second International Congress on Biblical Archaeology, Jerusalem, June - July 1990 , Jerusalem Israel Exploration Society, 1993, p. 106-109 ; ID., « Excavations at Ketef Hinnom in Jerusalem », dans H. Geva (ed.), Ancient Jerusalem Revealed , Jerusalem, Israel Exploration Society, 1994, p. 105-106 (85-106).

13  Les plus anciens témoins de l'existence d'une communauté juive en Égypte sont les papyrus araméens d'Éléphantine (entre 495 et 399 av. J.-C.). Cela dit, la présence juive dans le pays du Nil peut être bien antérieure, et remonter au début du VI e siècle.

14  M. Broshi et I. Finkelstein , « The Population of Palestine in Iron Age II », BASOR 287 (1992) 47-60.

15  M. Broshi , « The Expansion of Jerusalem in the Reigns of Hezekiah and Manasseh », IEJ 24 (1974) 21-26 ; ID., « La population de Jérusalem », RB 82 (1975) 5-14.

16  Il est le second plus élevé parmi les nombres de déportés donnés par les documents assyriens. B. Obed , Mass Deportations and Deportees in the Neo-Assyrian Empire , Wiesbaden, Dr. Ludwig Reichert Verlag, 1979, p. 18-32.

17  F.J. Gonçalves , L'expédition de Sennachérib en Palestine dans la littérature hébraïque ancienne , Paris, J. Gabalda (EB 7), 1986, p. 115 ; M. de Odorico , The Use of Numbers and Quantifications in the Assyrian Royal Inscriptions , Helsinki, The Neo-Assyrian Texts Corpus Project (State Archives of Assyria Studies 3), 1995, p. 113-116 et 173-174.

18  Jr 52, 10 b et 39,6 b ajoutent que le roi de Babylone a aussi égorgé tous les notables de Juda.

19 E. Weidner , « Jojachin, König von Juda, in babylonischen Keilschrifttexten », dans Mélanges Syriens offerts à Monsieur René Dussaud , Paris, Librairie Orientaliste Paul Geuthner (Bibliothèque Archéologique et Historique 30), 1939, II, p. 923-935.

20  De l'avis de la majorité des auteurs, la LXX témoigne d'une forme du texte antérieure à celle du TM. P.-M. Bogaert , « Les trois formes de Jérémie 52 (TM, LXX et VL) », dans G.J. Norton et S. Pisano (ed.), Tradition of the Text. Studies offered to Dominique Barthélemy in Celebration of his 70 th Birthday , Freiburg (Schweitz), Universitätsverlag - Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (OBO 109), 1991, p. 1-17 ; R.F. Person , Jr., « II Kings 24, 18-25, 30 and Jeremiah 52 : A Text-Critical Case Study in the Redaction History of the Deuteronomistic History », ZAW 105 (1993) 174-205. A. Rofé , « Not Exile but Annihilation for Zedekiah's People : The Purport of Jeremiah 52 in the Septuagint », dans L. Greenspoon et O. Munnich (ed.), VIII Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies. Paris 1992 , Atlanta, GA, Scholars Press (SBL. Septuagint and Cognate Studies Series 41), 1995, p. 165-170, est d'un avis contraire.

21 D.J. Wiseman , Chronicles of the Chaldaean Kings (626-556 b.c.) in the British Museum , London, The Trustees of the British Museum, 1956, p. 72-73 ; A.K. Grayson , Assyrian and Babylonian Chronicles , Locust Valley, J.J. Augustin (Texts from Cuneiform Sources 5), 1975, p. 102.

22  Le mot « tout » ne figure pas dans la LXX.

23  Le mot « tous » ne figure pas dans la LXX.

24  B. Stade , « Wie hoch belief sich die Zahl der unter Nebuchadnezar nach Babylonien deportierten Juden? », ZAW 4 (1884) 271-277.

25  D'après M. Brettler , « 2 Kings 24 :13-14 as History », CBQ 53 (1991) 541-552, les vv. 13-14 ont pour but de souligner la grandeur du malheur de Juda, et ne contiennent aucune information historique sur le mobilier du temple ou le nombre des déportés.

26  W. Holladay , Jeremiah 2. A Commentary on the Book of the Prophet Jeremiah Chapters 26-52 , Minneapolis, Fortress Press (Hermeneia), 1989, p. 443 ; D. R. Jones , Jeremiah , Grand Rapids, W.B. Eerdmans (NCBC), 1992, p. 549 ; G.L. Keown , Pamela J. Scalise , T.G. Smothers , Jeremiah 26-52 , Dallas, Word Books (WBC 27), 1995, p. 382 ; H.M. Barstad , The Myth of the Empty Land , p. 27,33-34.

27  G. Ahlström , The History of Ancient Palestine from the Palaeolithic Period to Alexander's Conquest , Sheffield, JSOT Press (JSOT. Suppl. Ser. 146), 1993, p. 798 ; F. Bianchi , «  I superstiti della deportazione sono là nella provincia  » ( Neemia 1,3 ).2., p. 4-5.

28 D.J. Wiseman , Chronicles of the Chaldaean Kings (626-556 B.C.) in the British Museum , p. 34.

29  D. Barthélemy , Critique textuelle de l'Ancien Testament 2. Isaïe, Jérémie, Lamentations , Fribourg, Éditions Universitaires - Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (OBO 50/2), 1986, p. 861-862. L'explication vaudrait aussi pour la date de la deuxième déportation : l'an dix-huit de Nabuchodonosor d'après JrTM 52,29 ; l'an dix-neuf d'après 2 R 25,8 et Jr 52,12.

30  La LXX a seulement les vv. 1-3.

31  B. Duhm , Das Buch Jeremia , Tübingen und Leipzig, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck) (KHC XI), 1901, p. 381 ; J.P.  Hyatt , The Book of Jeremiah , New York and Nashville (IB 5), 1956, p. 1141 ; J. Bright , A History of Israel , p. 38-39 ; R.P. Carroll , Jeremiah. A Commentary , London, SCM Press (OTL), 1986, p. 869-970 ; J.M. Miller et J.H. Hayes , A History of Ancient Israel and Judah, London, SCM Press, 1986, p. 425 ; C.R. Seitz , Theology in Conflict. Reactions to the Exile in the Book of Jeremiah , Berlin-New-York, Walter de Gruyter (BZAW 176), 1989, p. 71, 217 et 285-286.

32  On connaît le sceau de « Ismaël, le fils du roi » ( ly s m''l bn hmlk ). S'il s'agit du personnage dont parlent Jr 40-41 et 2 Re 25,22-26, Ismaël aurait été non seulement membre de la famille royale, mais aussi fonctionnaire royal (« fils du roi »). G. Barkay , « A Bulla of Ishmael, the King's Son », BASOR 290-291 (1993) 109-114. JrTM 41.1 a en propre w e rabéy hammèlèk dont le sens est disputé. Les uns rendent l'expression par « et l'un des grands du roi », et y voient un titre de Ismaël. Les autres la traduisent par « et les grands du roi », et y voient une catégorie différente de personnes qui est restée en Juda.

33  L.J. Hoppe , « History of Israel. Monarchic Period », ABD III, 1992, p. 566 (558-567).

34  D'après D.J. Wiseman , Nebuchadrezzar and Babylon , p. 38-39, Juda a eu le statut de province entre 587/6 et 582/1, date à laquelle son territoire aurait été annexé à la province de Samarie.

35 A. Alt , « Die Role Samarias bei der Entstehung des Judentums » (1934), Kleine Schriften zur Geschichte des Volkes Israel , II, München, C.H. Beck, 1953, p. 316-337 ; ID., « Zur Geschichte der Grenze zwischen Judäa und Samaria » (1935), ibidem , p. 346-362.

36 Le sens fondamental du verbe pqd est « passer en revue, surveiller ». Dans la plupart de ses emplois en rapport avec Godolias, le hif. hpqyd a Godolias pour complément d'objet, et signifie « constituer, établir, nommer, donner ou conférer le pouvoir », sans expliciter de quel pouvoir il s'agit. En Jr 41,10, hpqyd désigne l'action de « confier aux soins », ou « à la garde », de Godolias le reste du peuple et les b e nôt hammèlèk . On connaît deux bulles au nom de Godolias : « appartenant à Godolias, serviteur du roi » ( lgdlyhw 'bd hmlk ) ; « appartenant à Godolias, maître du palais » ( lgdlyhw s r 'l hbyt  ». En plus de Godolias, fils de Ahiqam, le livre de Jérémie mentionne Godolias, fils de Pashehur (38,1). Les deux bulles appartiennent-elles à la même personne, à deux moments différents de sa carrière? S'agit-il de Godolias, fils de Ahiqam, dans les deux cas, ou au moins dans l'un d'eux? On admet généralement que Godolias, le maître du palais, dont la bulle a été trouvée à Lakish, est le fils de Ahiqam. Dans ce cas, la bulle informerait que Godolias avait été un haut fonctionnaire de la cour de Juda avant 587/6, mais ne dirait rien de son statut après cette date. Au sujet des bulles, voir P.  Bordreuil , « Sceaux inscrits des pays du Levant », dans DBS XII, 1992, cc. 189-190 (cc. 86-211).

37  P.R. Ackroyd , « The History of Israel in the Exilic and Post-exilic Periods », p. 324-325 ; J.M. Miller et J.H. Hayes , A History of Ancient Israel and Judah , p. 421-424 ; E.A. Knauf , « From History to Interpretation », dans Diana V. Edelman (ed.), The Fabric of History. Text, Artifact and Israel's Past , Sheffield, JSOT Press (JSOT. Suppl. Ser. 127), 1991, p. 44-45 (26-64) ; J. Blenkinsopp , « The Judaean Priesthood during the Neo-Babylonian and Achaemenid Periods : A Hypothetical Reconstruction », CBQ 60 (1998) 28.

38  Pour un état de la question, on peut voir A. Lemaire , « Zorobabel et la Judée à la lumière de l'épigraphie (fin du VI e s. av. J.-C.) », RB 103 (1996) 48-57.

39  L. Cagni , « Le fonti mesopotamiche dei periodi neo-babilonese, achemenide e seleucide (VI-III sec. A. C.) », RivBib 34 (1986) 11-46 (11-53).

40  B. Obed , « Observations on the Israelite/Judaean Exiles in Mesopotamia During the Eighth-Sixth Centuries BCE », dans K. Van Lerberghe et A. Schoors (ed.), Immigration and Emigration within the Ancient Near East. Festschrift E. Lipinski , Leuven, Uitgevereij Peeters en Departement Oriëntalistiek (OLA 65), 1995, p. 205-212.

41  Les deux premiers grands agents de la réorganisation de la communauté juive de Palestine promus par les Perses portent des noms mésopotamiens : Sheshbaçar (hébreu ss bsr ), nom akkadien théophore S ama s -aba-u ? ur , « que Shamash protège le père » (P.E. Dion , «  ss bsr and ssnwry  », ZAW 95 [1983] 111-112) ; Zorobabel (hébreu zrbbl ), en akkadien zer-babili « Germe ou Semence de Babel ».

42  L.E. Browne , « A Jewish Sanctuary in Babylonia », JTS 17 (1916) 400-401.

43  P.R. Ackroyd , Israel under Babylon and Persia , Oxford, University Press (The New Clarendon Bible. Old Testament 4), 1970, p. 26-27 ; H.G.M. Williamson , Ezra-Nehemiah , Waco, TX, Word Books (WBC 16), 1985, p. 117 ; J. Blenkinsopp , Ezra-Nehemiah , p. 166.

44  P.R. Ackroyd , « Historians and Prophets », SEA 33 (1968) 37-54 (18-54).

45  Les textes insistent beaucoup sur le fait que Yohanân a entraîné en Égypte (tout) le reste ( s 'ryt ) de Juda (Jr 40,11.15 ; 42,15.19 ; 43,5 ; 44,14.28), tout le reste du peuple qui était à Miçpa (Jr 41,10.16), tout le reste (Jr 42,1-2).

46  Au sujet du caractère secondaire de ces textes du livre de Jérémie, on peut voir, par exemple, K.-F. Pohlmann , Studien zum Jeremiabuch. Ein Beitrag zur Frage nach der Entstehung des Jeremiabuches , Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (FRLANT 118), 1978, p. 19-47 ; W. McKane , A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah. I. Introduction and Commentary on Jeremiah 1-XXV , Edinburgh, T. & T. Clark (ICC), 1986, p. 605-617 ; ID., A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah. II. Commentary on XXVI-LII , 1996, p. 726-748, H.-J. Stipp , « Zedekiah in the Book of Jeremiah : On the Formation of a Biblical Character », CBQ 58 (1996) 627-648.

47 N. Lohfink , « Die Gattung der « Historische Kurzgeschichte » in den letzten Jahren von Juda und in der Zeit des Babylonischen Exils », ZAW 90 (1978) 331-342 (319-347). L'auteur tient pour secondaires Jr 39,1-2.4-10 et 40,7-21.

48  H.-J. Stipp , Jeremia im Parteienstreit. Studien zur Textentwicklung von Jer 26,36-43 und 45 als Beitrag zur Geschichte Jeremias, seines Buches und judäischer Parteien im 6. Jahrhundert , Frankfurt am Main, Anton Hain (Athenäums Monografien : Theologie 82 - BBB), 1992.

49  G. Barkay , « Excavations at Ketef Hinnom in Jerusalem », p. 93-106.

50 G. Barkay , « The Redefining of Archaeological Periods : Does the Date 588/586 B.C.E. indeed Mark the End of Iron Age Culture? », p. 106-109.

51  R. Albertz , Religionsgeschichte Israels in alttestamentlicher Zeit, 1. Von den Anfängen bis zum Ende der Königszeit , Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1992, p. 372-373, voit dans cette « réforme agraire » un essai de mise en pratique de l'idéal social deutéronomique. La réforme aurait échoué à cause de l'assassinat de Godolias, son promoteur. J.N. Graham , « « Vinedressers and Plowmen ». 2 Kings 25 :12 and Jeremiah 52 :16 », BA 47 (1984) 55-58, pense que les vignerons et les laboureurs travaillaient dans des exploitations agricoles officielles babyloniennes.

52  R. Albertz , Religionsgeschichte Israels in alttestamentlicher Zeit. 2. Vom Exil zu den Makkabäern , Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1992, p. 377-379.

53  J. Blenkinsopp , « The Judaean Priesthood during the Neo-Babylonian and Achaemenid Periods : A Hypothetical Reconstruction », CBQ 60 (1998) 25-43.

54  M. Noth , Überlieferungsgeschichtliche Studien , I. Halle (Saale), Niemeyer, 1943, p. 152, n. 10. M. Noth ajoute que le manque d'espérance de l'Histoire Deutéronomiste se comprend mieux en Palestine qu'en Babylonie.

55  Voir, par exemple, T. Römer , « La conversion du prophète Jérémie à la théologie deutéronomiste », dans A.H.W. Curtis et T. Römer (ed.), The Book of Jeremiah and its Reception. Le livre de Jérémie et sa réception , Leuven, University Press (BETL 128), 1997, p. 27-50.

56  T. Römer et A. de Pury , « L'Historiographie Deutéronomiste (HD). Histoire de la recherche et enjeux du débat », dans A. de Pury , T. Römer , J.-D. Macchi (ed.), Israël construit son histoire. L'historiographie deutéronomiste à la lumière des récente recherches , Genève, Labor et Fides s (Le Monde de la Bible 34), 1996, p. 9-120.

57  R. Albertz , « Le milieu des deutéronomistes », dans A. de Pury , T. Römer , J.-D. Macchi (ed.), Israël construit son histoire , p. 377-407, propose de situer la composition de l'Histoire Deutéronomiste en Babylonie ; celle de l'édition deutéronomiste du livre de Jérémie en Palestine (Miçpa ou Béthel)

58  Par exemple, J.A. Soggin , Einführung in die Geschichte Israels und Juda , p. 184.