France: Antisémitisme en tout genre dans une librairie islamiste de Paris - rapporté par Robert

Cette situation constatée qui ne permet certes pas de conclure à une alliance des extrêmes, mais qui témoigne d'une convergence d'objectifs clairement assumée : celle d'antisémites musulmans et d'antisémites européens

À Paris, le musulman en quête d'ouvrages d'édification spirituelle dispose, à la Goutte d'Or et à Belleville, d'une vingtaine de librairies religieuses, toutes de stricte orthodoxie sunnite. Les auteurs de référence sont la famille Ramadan ( Said ; Hani et Tariq), le sheikh Youssef al Qaradawi, prédicateur de la chaîne de télévision « Al-Jazeera », les oulémas salafistes saoudiens, le Sud-Africain Ahmed Deedat, spécialiste de la réfutation du christianisme. Et, depuis peu, le très prolifique auteur turc, Harun Yahya (pseudonyme de Adnan Oktar), qui se définit lui-même comme écrivant « des ouvrages sur la franc-maçonnerie et le sionisme et leurs influences négatives sur l'histoire et la politique du monde » - ce qui est le leitmotiv de la théorie du complot dans sa version d'extrême- droite.

La politique n'est pas absente des rayons où figurent la plupart des livres récemment parus sur la question palestinienne, la situation en Algérie, en Tunisie et au Moyen-Orient en général, pour peu qu'ils ne soient pas trop favorables à Israël. C'est ainsi qu'un des sujets favoris de discussion, sur les forums des sites islamistes français, en ce début septembre, est de savoir où acheter le dernier livre de Roger Garaudy, « Le Totalitarisme occidental », publié en Algérie voici très peu de temps.

Il existe un cas à Paris qui prouve la convergence de l'antisémitisme occidental, dans sa variante fascisante, et l'antisémitisme musulman. Il s'agit de la librairie Arrissala, rue Jean- Pierre Timbaud ( Paris XIème), également maison d'édition dont le slogan est : « Lire c'est grandir ». Rien d'inhabituel au catalogue : rien qu'un roman de Najib al Kilani intitulé « Omar réapparaît à Jérusalem », dont le thème est « que trouverait le calife Omar s'il réapparaissait (…) : Une terre occupée, un peuple massacré (sic) et des musulmans divisés ».

Parmi les livres sur l'islam exposés en vitrine, « L'homme, cet inconnu » d'Alexis Carel Scotchée sur la porte, une affiche du « Comité de Bienfaisance et de Soutien aux Palestiniens ». Un 7 septembre, deux semaines après le gel des avoirs du CBSP par les autorités américaines, c'est un signe de défiance. Mais c'est de la vitrine que vient le choc : parmi les classiques de littérature religieuse exposés, un livre particulièrement happe l'attention : « l'Homme, cet inconnu », par Alexis Carrel. Autrement dit, un ouvrage qui fait l'apologie de l'eugénisme, totalement étranger à l'islam, et dont la présence ne peut s'expliquer que par l'antisémitisme et le racisme de son auteur, grand savant dévoyé dans la collaboration avec les nazis. À côté, le livre de Roger Garaudy, « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne », qui a valu à son auteur condamnation par les tribunaux français. Et un petit opuscule intitulé « Le Manifeste judéo-nazi » d'Ariel Sharon, falsification commise entre autres par l'opposant tunisien négationniste Mondher Sfar et l'association « La Pierre et l'Olivier ».

Mais la liste n'est pas close. Par exemple, la présence des « Croisés de l'Oncle Sam : une Réponse à Guillaume Faye et aux Islamophobes », de Tahir de la Nive, publié en 2003. Français vivant en Grande-Bretagne, Tahir de la Nive est un ancien militant d'extrême-droite ayant appartenu au mouvement Occident avant de se convertir à l'islam. Il a ensuite combattu en Afghanistan aux côtes d'Hekmatyar, puis a opté pour le soutien à l'Iran chiite.
Que ce livre soit vendu par une librairie islamiste pose deux problèmes, l'un pratique, l'autre idéologique. Côté pratique : il s'agit d'un ouvrage confidentiel, publié par Avatar éditions, une maison tenue par des Français d'extrême-droite mais domiciliée en Irlande. Il faut donc en avoir connaissance. Côté idéologique : il faut assumer de vendre un livre qui s'ouvre sur une galerie de photos représentant l'entrevue entre Hitler et le Grand Mufti de Jérusalem, ou encore les soldats de la division bosniaque « Handschar » de la Waffen SS, le tout orné de cette phrase : « Durant la Seconde guerre mondiale, des musulmans en lutte pour l'empire européen ». Orientation politique d'autant plus évidente que le préfacier du livre, Claudio Mutti, est le traducteur des « Protocoles des Sages de Sion » en italien, et que la postface est de Christian Bouchet, ex-dirigeant du groupe Unité Radicale.

Enfin, la librairie Arrissala vend un grand classique des milieux de droite pro-islamistes : « Le Soleil d'Allah brille sur l'Occident », de Sigrid Hunke ( 1913-99). Cette spécialiste allemande de l'histoire des religions a commencé sa carrière en 1940 en écrivant dans la revue nazie « Germanien », et soutenu en 1941 sa thèse à l'université de Berlin sous la direction du spécialiste de la « psychologie des races », Ludwig Ferdinand Clauss. Devenue après 1945 la dirigeante de la secte païenne des « unitariens » (Bund Deutscher Unitarier), Sigrid Hunke a été une des influences intellectuelles majeures de la « nouvelle droite » allemande.

Jean-Yves Camus

(Proche-orient.info/Investigateur.info) ajouté le 17-9-2003